Collé à la Seine, l’hôtel du Quai Voltaire de Paris, en plein cœur de la ville, jouit d’une position privilégié par son excellent emplacement dans un lieu stratégique de la rive gauche. Non seulement il présume d’histoire, de charme et d’un gout exquis, mais aussi d’offrir depuis ses chambres quelques une des meilleurs vues de la capitale française.
C’est peut être pour cela que Oscar Wilde le choisit comme résidence dans ce que l’on peut appeler sa première époque parisienne, de janvier à mai 1883, même si il affirmait ne jamais s’être rendu compte de cela. Pour Wilde, à la différence de la cousine de Lucy Honeychurch, les vues sont seulement importantes pour l’hôtelier, qui les inclut dans le tarif de la chambre. Wilde affirmait qu’un gentleman ne regarde jamais par la fenêtre.
C’était des temps de prospérité. La récente et très réussite tournée de conférences aux Etats Unis diffusant l’idéal esthétique de la nouvelle renaissance anglaise qui avait transmuté en quelque chose de propre médian un charmant et puisant style capable de recycler de façon convaincante les œuvres et conversations de Ruskin, Morris, Whistler, Godwin et Pater, lui avait proportionné des revenus considérables qui augmentèrent avec le contrat signé avec Hamilton Griffin, manager de l’actrice américaine Mary Anderson, dans lequel il se compromettait à écrire une œuvre à succès pour elle.
Cette œuvre serait La duchesse de Padoue (bien que Mary Anderson déclare admirer cette œuvre, elle la rejettera finalement pour ne pas la considéré adéquat pour elle), et c’est dans le but de pouvoir terminer cette œuvre que Wilde passa ces mois à Paris. Dilapidant en peu de temps sa petite fortune avec cette habituelle et lumineuse libéralité de dandy qui le fit vivre et mourir haut dessus de ses moyens. Lorsqu’il invitait ses amis dans les restaurants les plus élégants de la ville, il avait l’habitude d’expliquer ce geste avec la phrase “Ce soir nous dinons avec la duchesse”. Après le diner il aimait se promener dans les ruines de l’ancien palais des Tuileries, qui avait été incendié par les communards, et commenter que chacune de ces pierres noircis était pour lui un chapitre de la Bible de la démocratie.
Richard Ellmann parla de ces mois comme l’époque dans laquelle l’esthétisme de la renaissance anglaise de Wilde commença à se vêtir de fascinante décadence, au contact de l’ambiance intellectuelle française. Un tel changement exigeait nécessairement une nouvelle tenue, une variation extrêmement personnelle du style français du moment (incluant un manteau avec le col et le bout des manches en fourrure et l’habitude de porter le bout des manches retournés, un geste qu’imiterait Jean Cocteau plusieurs décennies plus tard). Et une nouvelle coupe de cheveux, raison pour laquelle il emmena son coiffeur au Musée du Louvre où il lui montra un buste d’Antinoüs, qu’il fit passer pour Néron, pour que le coiffeur s’en serve de modèle.