L’archigoulis des étangs et le matricol odorant

Publié le 24 mars 2011 par Marc Lenot

Dès que l’être aimé fait quelque avance à l’Archigoulis des étangs, il en abuse et devient très entreprenant. D’abord il s’approche en groupillant, ses ploreaux se teintant délicatement de bleu. Puis il écarte le vêtement qui gêne l’expression de ses désirs. Il se penche alors sur les seins qu’il frôle dans un geste de fugitive tendresse et dont il se saisit soudain presque brutalement. À ce moment précis, il s’épilotarise avec un bruit tel que les boudoirs les mieux insonorisés ne peuvent garder le secret. Si l’être aimé lui rend ses caresses, ses ploreaux se couvrent d’une irisation dont l’éclat va s’atténuant à mesure que tout se termine.

Le Matricol odorant est noble de proportions et d’allure. […] Dans cette ambiance d’amour, il dégage une subtile et suave odeur que répandent ses tantumergots, nombreuses et belles griffes frissonnant dans les touffes de fourrure de ses membres inférieurs, d’où le qualificatif qui suit son nom. L’acte d’amour revêt à ses yeux le caractère d’un véritable office dont il est le prêtre et l’ordonnateur. Dans le silence, il grabilotte plus qu’il ne chante, il

ronronne son hymne d’amour profane et agite en l’air ses tantumergots comme des encensoirs. Puis il s’agenouille et balance la tête, lentement, à droite et à gauche, plusieurs fois, au-dessus du réceptacle de sa volupté. Quand se dessinent les premiers frissons, il écartèle son éprouvelotte, poche qui pend à son nombril, y plonge ses tantumergots et lance sur le corps adoré d’énormes poignées de confetti aux couleurs des plus délicates dont chacun porte le nom de son idole, jusqu’à ce qu’elle meure étouffée.[…] après un certain laps de temps, les confetti remuent, bouillonnent et libèrent un second Matricol, fils du premier, sitôt conçu sitôt né et sitôt né sitôt adulte, qui, à son tour, s’éloigne en grabilottant.

Deux extraits de “La vie amoureuse des Spumifères” de Georges Hugnet. Une dizaine des 40 spumifères ont été exposées quelques jours dans une galerie rue de l’Échaudé. Ce sont des cartes postales légères des années 20 que Hugnet a recouvert de ces compositions à la gouache. Tous les textes sont de la même veine surréaliste, poétique et gentiment érotique. Un livre les reproduisant toutes vient de sortir chez l’éditeur Biro (29€). C’est un bijou…

©Ayants droit de Georges Hugnet.