Doit-on boycotter les auteurs israéliens ?

Par Benard


23 mars 2011
  par David Murray

Ian McEwan

Le dimanche 20 février dernier, l’auteur britannique Ian McEwan s’est vu remettre lePrix Jérusalem pour la liberté des individus dans la société2011 lors d’une cérémonie à laquelle assistait, entre autres, le président israélien Shimon Peres, le ministre de la culture Limor Livnat et le maire de Jérusalem Nir Barkat. Ce prix littéraire, le plus prestigieux du pays, récompense tous les deux ans un auteur étranger. Lors de ses remerciements, McEwan a profité de la tribune qui lui était offerte pour fustiger les politiques du gouvernement israélien envers le peuple palestinien, comme on peut le lire sur le sitePour la palestine. Le romancier britannique n’a d’ailleurs pas mâché ses mots, lui qui a entre autres dénoncé « la confiscation de terres et les expulsions de Palestiniens à Jérusalem-Est», qui s’est élevé contre « la politique israélienne qui accorde le droit de retour à des Juifs et non à des Arabes», et qui s’est indigné de la transformation de la bande de Gaza en un « camp de prisonniers à long terme» et du fait que le Mur de séparation fasse déferler « un tsunami de béton à travers les territoires occupés».

Comme le rappelait l’hebdomadaire l’Express, la remise de ce prix est chaque année l’objet de controverses, la question étant de savoir si le fait d’accepter le Prix Jérusalem fait nécessairement du lauréat un complice des politiques israéliennes. McEwan a fait le pari que non, et déclaré qu’il était ainsi possible d’être « profondément touché de recevoir un prix qui reconnaît des écrits en faveur de l’idée de liberté de l’individu dans la société», tout en affirmant haut et fort qu’il ne cautionnait pas pour autant les actions des commanditaires du prix. Il a d’ailleurs fait savoir qu’il ferait don des 10 000 dollars associés au prix à l’organisationCombattants pour la Paix, qui rassemble des ex-soldats israéliens et ex-combattants palestiniens militant ensemble pour promouvoir l’idée qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit israélo-palestinien.

McEwan a ainsi décliné les appels répétés au boycottage qui lui furent lancés par des groupes pro-palestiniens l’invitant tout simplement à refuser le prix – demande qui s’inscrit en fait dans cette série d’appels du même type lancés à travers la campagne de« boycott, désinvestissement et sanctions » (BDS)à l’endroit d’Israël. Ce mouvement global, présenté comme une stratégie parmi d’autres et ne constituant donc pas une fin en soi, vise à contraindre l’État israélien à respecter les droits des Palestiniens et le droit international. Mis sur pied à la suite d’un appel lancée par quelques 172 organisations issues de la société civile palestinienne en juillet 2005, cette campagne puise son inspiration dans l’exemple de l’apartheid sud-africain ; en effet, ses opposants avaient, dans les années 1980, mis de l’avant une stratégie similaire qui avait grandement contribué à mettre fin à ce régime discriminatoire. La campagne BDS est donc articulée et promue par des Palestiniens, donc, et depuis, bon nombre de personnalités publiques de partout à travers le globe, et même au sein d’Israël, y ont adhéré.

Les principes fondamentaux de cette approche et ses principaux modes d’action sont explicités dans un ouvrage du philosophe, ingénieur et chorégraphe palestinien Omar Barghouti, intitulé simplementBoycott, désinvestissement, sanctionset rassemblant divers textes écrits ces dernières années. Dans ce livre qui a fait l’objet d’une traduction chez Lux éditeur en 2010, l’auteur explique les raisons pour lesquelles Israël doit être considéré comme un État pratiquant une forme d’apartheid en poursuivant une politique de colonisation qui non seulement brime les droits des Palestiniens, mais fait aussi fi du droit international, tel que précédemment évoqué. Barghouti y explique ensuite les différentes formes que peut prendre cette stratégie d’action.

Bien entendu, mener une telle campagne se bute à des résistances et à des difficultés de mise en pratique. C’est notamment le cas en ce qui concerne le boycott culturel, comme le reconnaissent les partisans de la campagne BDS eux-mêmes. Comme art et politique sont souvent liés, pour qu’un boycott soit efficace, il ne doit pas seulement être de nature strictement économique, mais doit aussi attaquer le front culturel. Référons-nous par exemple au cas de l’Afrique du Sud, dans lequel les artistes avaient joué un rôle clé pour isoler le régime d’apartheid dans les années 1980, au moment où les gouvernements du monde poursuivaient leurs relations diplomatiques et économiques avec le régime sud-africain. Mais s’il est facile, par exemple, pour un artiste d’ici de refuser de se produire en Israël, la question du boycott de la diffusion des œuvres d’artistes et auteurs israéliens à l’extérieur de leurs frontières est moins évidente.

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