Voici ma contribution au livre blanc « Quelles tendances pour la veille en 2011 ? » organisé par deux experts passionnés de la veille, Jean-Francois Ruiz (Webdeux.info) et Mickaël Réault, Fondateur de Sindup; un exercice auquel je me suis prêté avec plaisir car c’est toujours l’occasion de prendre du recul sur un secteur tourné vers l’avenir. Bonne lecture, merci aux organisateurs et ne manquez pas le livre blanc dans son intégralité avec les 10 visions d’experts sur http://www.tendances-veille.com
- Curation digitale (« digital curation »): On est passé d’une logique de ‘search’ prédominante vers un filtrage de l‘information en temps réel par le prisme de son propre réseau social numérique. L’ « infobésité » nous a en quelque sorte conduit vers un reflexe de repli sur son cercle primaire d’amis et relations pour sélectionner les contenus. Google a annoncé il y a peu la possibilité pour ses utilisateurs de bloquer les contenus spams dans les résultats du moteur et cela sonne en effet comme un aveu de faiblesse du filtrage algorithmique. Pour les marques et les veilleurs, il s’agit donc de plus en plus d’identifier ces « curateurs » pour pouvoir surveiller son environnement stratégique online. Souvent passionnés et experts dans leur domaine, ils diffusent les informations qu’ils jugent intéressantes au sein de leur communauté. Ils deviennent un maillon essentiel dans la mécanique virale et donc très impactant pour la réputation des entreprises.
De nombreux services comme scoop.it et Pearltrees ont participé à la diffusion de cette tendance ; les plus populaires étant sans doute Paper.li et Flipboard sur l’IPad. LinkedIn lance cette semaine LinkedIn Today précisément sur ce modèle curatif. Quora surfe également sur cette vague en couplant réseaux sociaux et micro-blogging dans l’optique de créer du contenu et des conversations de qualité pour ses membres. Enfin, on voit apparaitre des outils intéressants comme Storify pour permettre aux entreprises d’agréger et de capitaliser sur les contenus dispersés sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, l’association humanitaire Save The Children a utilisé Storify pour médiatiser les dons récoltés via les média sociaux suite à la catastrophe du Japon.
Copie d’ecran: Storify utilise par l’association Save The Children. http://bit.ly/h16e6K
- Identifier les influenceurs: Ce contexte replace l’individu et sa subjectivité au cœur de l’information et donc de la veille. Ces deux dernières années, on a progressivement basculé du PageRank vers une notion plus egocentrique de PeopleRank. L’analyse des influenceurs – aussi appelée Influence Mining par Jay Baer – prend une place de plus en plus importante dans le niveau d’attention et de crédibilité à accorder a une source sur un thème particulier (Automobile, Finance, Cosmétique etc – ex: PeerIndex, liste des top 5 influenceurs en écologie,).
C’est devenu une niche attractive comme en témoigne la levée de fond de Traackr en février ainsi que l’intérêt médiatique porté aux services de social scoring tels que Klout, PeerIndex et Post Rank Connect. Twitter va prochainement doter son tableau de bord analytique d’un score d’influence, ce qui va encore d’avantage démocratiser le phénomène. In fine, pour les entreprises, l’objectif est de créer du lien social avec de vrais ambassadeurs de marque pour augmenter leur visibilité au sein de communautés thématiques. Aux Etats-Unis, l’hôtel Las Vegas Palms propose désormais des avantages basés sur l’indice Klout de ses clients. La compagnie aérienne britannique Virgin a également utilisé l’influence sur Twitter pour offrir des vols gratuits.
Copie d’écran: Traackr, solution pour mesurer les influenceurs online. http://www.traackr.com
- L’e-réputation reste au cœur des problématiques de marque sur internet. La multiplication des contenus et le caractère instantané des conversations continu de représenter un défi majeur pour les entreprises. Le dernier exemple en date concerne la compagnie Air France sur Twitter et son manque de réactivité perçue par les internautes face aux tremblements de terre survenu au Japon.
Source : Frenchweb, « La community Manager d’Air France décrypte le bad buzz du week-end dernier » http://bit.ly/eUi37D
L’intégration de la veille en entreprise et la diffusion des pratiques va sans doute contrebalancer la situation avec le temps ; Jeremiah Owyang parlait en Décembre 2010 de « Year of Integration » pour définir l’année 2011. La tendance va vers un retour en force des sites de marque intégrant une couche sociale et conversationnelle – sorte de « branded curation » – reposant sur de nouveaux services comme DialogueFeed.
Certains groupes comme Pfizer échafaudent des procédures pour réagir rapidement en cas de crise. D’ordre général, la marge de progression est énorme : Seulement 14% des entreprises ont effectivement mis en place une procédure pour répondre aux commentaires négatifs sur Facebook (Emarketer, Janvier 2011) et seuls 23% des social media managers avouent avoir des objectifs clairs à long terme. Il faut souligner aussi que la plupart des projets d’entreprise sur les media sociaux n’ont pas plus de deux ans d’existence.
Ceci étant, des initiatives novatrices voient le jour : Gatorade appartenant au groupe Pepsico et Dell ont mis en place de véritables « social media customer centers » conçus en partenariat avec Radian6 pour opérer une veille élargie et pouvoir ensuite redistribuée les informations vers tous les départements internes de manière transversale et en temps réel. L’opérateur Orange innove également dans son approche des communautés d’internautes en formant des web-conseillers à répondre directement dans les fils de discussions de certains forums thématiques.
Source: ZDNet, The Social Media Listening Command Center from Dell: http://zd.net/dETppC
- Beaucoup d’outils de social media monitoring ! Pour répondre a cette demande nouvelle, les outils se sont multipliés et le wiki de Ken Burbary compte aujourd’hui 150 entreprises listées sans être proche du compte. Les éditeurs lowcost fleurissent : Viralheat, Beevolve et eCairn proposant leurs services à moins de $100 par mois. Dans cette jungle, certains acteurs historiques cherchent des leviers de croissance externe comme Radian6 en rachetant l’anglais 6Consulting et viser le marché Européen. D’autres se lancent tardivement dans l’aventure comme Adobe avec le lancement de Adobe SocialAnalytics basé sur la technologie Omniture. L’institut Forrester table sur une structuration de l’offre en trois pôles :
1. les tableaux de bord sociaux (ASP – ex : Brandwatch, Trackur)
2. les outils analytiques multicanaux (Web + données internes – ex :Attensity, Autonomy)
3. les partenaires de veille (Conseil – ex :Converseon, Visible Technologies).
Peut-être allons-nous assister en parallèle à une verticalisation du marché, avec les exemples de ListenLogic et Newistic qui proposent une offre entièrement dédiée à l’industrie pharmaceutique.
En tout cas, on parle aujourd’hui moins d’analyse automatique des sentiments (sentiment analysis). Le débat reste vif entre professionnels de la veille et du marketing – notamment dans certains groupes LinkedIn – même si la plupart s’accordent sur le manque de fiabilité des résultats. On est souvent loin des 80% affichés par les éditeurs et les tests comparatifs « traitement humain vs logiciel » invitent à la prudence (Cf Ignite et Radian6). Il semble que les évolutions dans ce domaine soient limitées par la technologie sémantique actuelle et la catégorisation en avis positif/neutre/négatif.
- Les conversations deviennent globales comme l’a observé Bonin Bough, Directeur Digital & Social Media du groupe PepsiCo lors de la Social Media Week NY en février dernier. Par conséquent, le besoin des entreprises en matière de veille internationale et multilingue se fait ressentir. On voit désormais émerger des prestataires par région, notamment en Asie avec Media Monitors, JamiQ et CIC.
L’Amérique latine fait également partie des continents à suivre de près : le Brésil compte aujourd’hui la 2eme plus large communauté sur Twitter, le taux d’adoption de Facebook le plus rapide au monde et près de 20% de la population qui anime un blog (Source : Global Web Index, 2011). Si on prend l’exemple de McDonald’s, l’enjeu est de pouvoir suivre et traiter toutes ces conversations et d’y répondre en un temps réduit. Rick Wion, directeur des média sociaux du groupe, confiait il y a peu lors d’une interview avec Mark Schaefer que l’automatisation d’une partie des échanges sur Twitter n’était pas à exclure.
- En conclusion, le veilleur doit faire face à un afflux grandissant de données – checking mobiles, tweets, Facebook updates etc – et a un rythme de diffusion de l’information effréné. En terme de compétences, on verra peut-être le métier de social media manager se scinder en deux : un insight manager en charge de la collecte et de l’analyse des données issues des différentes plateformes de conversations (Blogs, Forums, Facebook, Twitter…) et un community manager responsable des échanges avec les internautes.
Pour Altimeter, a l’heure actuelle, il existe deux options de carrière pour le social media manager : être sollicité uniquement pour du customer service dans une démarche réactive et devenir ainsi une sorte de “Social Media Help Desk” ou développer une démarche proactive dans l’organisation et opérer ainsi a un niveau plus stratégique.
Source: Web-strategist.com, The Two Career Paths of the Corporate Social Strategist http://bit.ly/ewnawI
Enfin selon l’excellent Nathan Gilliat, le secteur risque de se spécialiser en trois pôles de compétences distincts:
1. le social media monitoring/SCRM pour répondre aux demandes de consommateurs
2. le social media analytics pour surveiller les indicateurs de performance : Facebook likes, commentaires, nombre de fans/followers, part de voix etc
3. la social media intelligence qui concerne l’analyse des conversations en profondeur (thèmes de discussion, opinions, tendances, ressorts émotionnels etc)
Il y a sans doute du vrai dans ces trois visions et il est certain que la profession se fragmente pour mieux se spécialiser. Une chose est sure, les métiers liés a la veille ont de beaux jour devant eux!
Et vous, vous en pensez quoi?
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