Le 18 mars 2011, la FNI, fédération nationale des infirmiers, syndicat professionnel d’exercice libéral de la profession d’infirmiers en France, a fait paraître un communiqué dénonçant le futur décret prévoyant d’exclure de réaliser des prélèvements biologiques dans les cabinets d’infirmières libérales dans le cadre de l’Ordonnance portant réforme de l’exercice de la biologie médicale en France.
Les infirmier(e)s de ce syndicat déclarent agir en réaction à un communiqué de presse émanant des principaux syndicats de biologistes qui aurait selon eux gravement porté atteinte à leur image, en « assimilant directement les compétences infirmières à un gage de non qualité ».
Le communiqué, paru le 8 mars 2011 et co-signé par le SJBM, déclare à propos des prélèvements en cabinet d’IDE libérales, un des principaux objets des aménagements en cours de discussion de l’Ordonnance.
« Pour éviter tout risque de compérage et de recrudescence de centres de prélèvements infirmiers, moins coûteux à mettre en place car soumis à des critères qualité moins stricts que les laboratoires de biologie (pas de présence d’un biologiste à plein temps), la pratique des prélèvements en cabinets d’infirmières libérales doit être encadrée. Dans un souci de clarification, les organisations professionnelles de biologistes sont donc prêtes à discuter avec les pouvoirs publics et les représentants des infirmiers afin de trouver un accord qui prenne en compte les impératifs de santé publique et de qualité de l’examen de biologie médicale qui sont au cœur de l’ordonnance ».
Il n’est donc nullement fait mention d’une quelconque remise en question de la qualité des actes effectués par les infirmier(e)s ni de la relation de confiance unissant ces deux professions depuis des décennies, ils sont au contraire indispensables au bon exercice de la biologie médicale. Il y est par contre fait mention de notre volonté forte de trouver en collaboration étroite avec les syndicats infirmiers une issue pérenne au problème lié à l’arrêté devant être pris par le gouvernement dans le cadre de l’ordonnance du 15 janvier 2010 portant sur les lieux dans lesquels pourra être réalisée la phase préanalytique des examens de biologie médicale.
Nous regrettons donc la virulence, la fausseté et la posture de fermeture que reflètent les propos de ce syndicat ainsi que le caractère anti-confraternel exprimé par l’affiche de campagne accompagnant le communiqué de la FNI.
Parmi les principales modifications de l’exercice de la biologie médicale introduites par l’ordonnance du 15 janvier 2010 sous l’égide des pouvoirs publics, (et non à l’instigation des biologistes -comme l’affirme leur argumentaire-, qui, dépourvus, constatent chaque jour l’alarmante financiarisation et industrialisation de leur profession de santé stratégique) on note:
- l’apport « médical », avec le recueil des éléments cliniques en lien avec la prescription, cette dernière pouvant être amendée en fonction de ceux-ci par le biologiste médical, dans l’intérêt des patients
- l’engagement de la responsabilité professionnelle du biologiste médical depuis le prélèvement, l’analyse, jusqu’à l’interprétation et communication des résultats
- l’obligation d’accréditation selon la norme qualité ISO 15189
L’ensemble des ces contraintes nouvelles voulues avec intransigeance par le gouvernement n’ont de sens que dans le cadre d’une coopération professionnelle verticale, depuis le prélèvement jusqu’à la délivrance de l’examen interprété.
Les activités de prélèvement, en cabinet infirmier, à domicile ou en laboratoire, doivent en ce sens se faire en conformitéavec les nouvelles exigences imposant une responsabilité (pénale) du biologiste médical sur la totalité de l’acte de biologie médicale.Devront également s’appliquer aux prélèvements infirmiersles mêmes normes que celles prévues pour l’accréditation des laboratoires de biologie médicale au titre de la phase pré-analytique. La FNI déclarant justement dans son communiqué que « la profession est soucieuse de l’amélioration de leurs pratiques » : ce point ne devrait donc pas poser de problèmes particuliers.
Parallèlement, dans un contexte d’une volonté de baisse drastique de la nomenclature des actes de biologie médicale (le 5ème consécutive en 4 ans), le gouvernement a opté pour l’organisation d’une biologie médicale en laboratoires multi-sites : concrètement, un plateau technique (où sont réalisés la quasi intégralité des analyses) et des sites périphériques dédiés à l’accueil du patient, aux prélèvements (sang, qui peut être réalisé aussi bien par le corps médical que paramédical, mais aussi prélèvement vaginal, urétral, mycologique, ponctions etc… relevant de la compétence des biologistes médicaux ou d’autres médecins), la validation, discussion et communication des résultats aux patients et cliniciens.
Aujourd’hui, en l’absence d’une prise de position claire du gouvernement sur la protection des laboratoires d’analyses médicales français de l’appétit de groupes financiers fondant principalement leur appétence sur la rentabilité d’une réorganisation autour d’un plateau technique et alimenté par des prélèvements les moins couteux possibles, il n’est nullement « injustifié » mais au contraire « réaliste« de craindre que ceux-ci trouvent plus rentables de transformer les sites périphériques de laboratoire par des cabinets d’IDE salariées du groupe. C’est même une crainte légitime que l’on s’attend à voir examinée avec le plus grand sérieux par des responsables syndicaux attachés à la défense de leurs mandants (et c’est par exemple le cas d’autres syndicats d’infirmiers qui nous ont contactés).
Nul doute que le patient français, comme l’ensemble des professionnels de santé infirmiers (au regard de ce qui se passe actuellement pour les biologistes médicaux) auraient beaucoup à perdre -notamment leur indépendance- de l’avènement d’une telle organisation des soins.
Et que dire du caractère libéral de la profession d’IDE, dans la perspective de l’appétence nouvelle des investisseurs dans le domaine des cabinets infirmiers?
Comment pourrait-il persister si les cabinets des professionnels de santé indépendants que sont les IDE libérales devaient enter en « compétition » directe avec des groupes financiers souhaitant les salarier comme c’est le cas actuellement en biologie médicale avec les conséquences que l’on connait?
A l’heure où le système de santé français est particulièrement fragilisé tant dans le secteur public que dans le secteur privé du fait des réformes en cours, le SJBM tient à souligner le rôle majeur et complémentaire de chacun des maillons de la chaîne de soins. Un dialogue confraternel, constructif et loyal est plus que jamais essentiel entre professionnels de santé, permettant d’établir des propositions gagnants pour tous les professionnels concernés et gagnant pour la prise en charge de nos malades.
Nous notons par ailleurs que si les autres syndicats infirmiers s’inquiètent légitimement de la problématique et exigent en toute responsabilité syndicale de participer aux évolutions législatives en cours, ils ont le mérite de le faire sur la base constructive d’arguments objectifs construits sur une connaissance pénétrante de la réalité du sujet, et selon une posture qui, bien que loin d’être complaisante vis-à-vis tant des pouvoirs publics que des syndicats de biologistes, autorise néanmoins le dialogue interprofessionnel.
Considérant quant à elle que les bornes ont été dépassées, la FNI souhaite au contraire « lancer une campagne de sensibilisation grand public et veut réunir un Congrès extraordinaire à Paris pour décider des actions à mener, en n’écartant pas la possibilité de lancer un mot d’ordre national de grève de tous les prélèvements biologiques« .
Il est étonnant de constater que pour un syndicat déclarant que « le capital confiance dans la population dont bénéficie la profession d’infirmière n’est pas dû au hasard », la prise en otage de patients ne pouvant se rendre par leur propre moyen au laboratoire ou dans les zones rurales où les sites de laboratoires sont trop éloignés, soit une option sérieusement envisagée pour obtenir gain de cause, sans visiblement aucun effort d’adaptation de leurs pratiques vis-à-vis de l’évolution réglementaire de la profession de biologiste médical.
Il est d’ores et déjà prévu que les textes d’application de la réforme de la biologie, toujours actuellement en discussion, devront tenir compte de la nécessité de trouver des solutions pour autoriser le prélèvement en cabinet d’infirmier, notamment dans les zones rurales éloignées des sites de laboratoires. C’était d’ailleurs déjà le cas au moment de la prise de position de la FNI (qui prend donc peu de risques en tempêtant pour obtenir une « concession »… qu’elle sait avoir déjà obtenu…)
Considérant cet épisode comme lié à l’état de tension intense auquel est soumis actuellement le corps professionnel des infirmiers du fait des contraintes intenses pesant sur lui, nous invitons la FNI à nouer le dialogue avec leurs confrères syndicaux, les pouvoirs publics et les biologistes médicaux de façon à ce que nous puissions ensemble construire un avenir commun profitable à nos patients, autant qu’à tous les professionnels de santé.
La FNI ne doit surtout pas se tromper de combat et doit veiller à ne pas se laisser instrumentaliser par les partisans d’une réforme de la biologie médicale (et une évolution de notre système de santé) plus industrielle que médicale.
A ce jeu, autant pour les professionnels de santé que les patients, il n’y aura malheureusement que des perdants.
Ami(e)s infirmi(è)er(e)s, unissons-nous!