C'est, à mesure que j'écoute les nouvelles de Libye, un souvenir d'adolescence qui me revient, de traduction latine, de l'Enéide, Livre IV, de ce livre titré Infelix Dido qui nous montre la reine dévorée d'un feu intérieur, aveugle, terrible, livre IV, livre splendide où l'on trouve ces quelques vers :
Extemplo Libyae magnas it Famas per urbes
Fama, malum quam non aliud ueloccius ullum :
Mobilitate uiget uirisque adquirit eundo…
Ce qu'André Bellesort (édition Budé, 1925) traduisait par : "Soudain, la renommée parcourt les grandes villes de Libye, la renommée plus rapide qu'aucun autre fléau." Et Klossowski (Gallimard, 1964) par :
"Sur le champ par les grandes cités de Libye, s'en va la Fame,
la, Fame plus que nul autre rapide :
dans la mobilité elle prospère et de forces n'acquiert qu'en marchant"
Et Chausserre Lapré (La différence, 1993) par :
"Sitôt, par la Libye et ses grandes cités,
D'un pas que nul n'égale, erre la Renommée,
Mais qui croit dans sa marche et vit de se mouvoir."
Mon latin est bien loin, mais il me semble reconnaître dans ces quelques vers un peu de notre Président parti chercher en Libye une gloire qui lui échappe ici, même si la scène que décrit Virgile n'a pas grand chose à voir puisqu'elle se passe quelque temps après que Didon se soit, lors d'un orage, donnée dans une grotte à Enée alors qu'elle était destinée au roi de Libye. Le rapprochement me tente cependant d'autant plus que les vers suivants évoquent les nuées et cette rumeur qui abreuve les peuples de ses discours et chante également ce qui est arrivé et ce qui ne l'est pas.