Adrian est un petit garçon de neuf ans qui vit avec sa grand-mère et son oncle depuis que sa mère a été jugée inapte à l’élever presque un an auparavant. Il rêve secrètement de choses simples et abrite de nombreux tourments dans sa solitude. Sa grand-mère s’occupe bien de lui, elle le dépose devant son école tous les matins et revient le chercher chaque après-midi, mais ils ne se parlent pas beaucoup.
« Elle lui dit souvent qu’il est son fil à la patte. Il ne sait pas trop ce qu’elle entend par là. Il a beau regarder, il ne voit pas en quoi il ressemble à un fil. »
Adrian a peur de beaucoup de choses, simples inquiétudes ou peurs intimes: des sables mouvants aux monstres marins en passant par la foule, la combustion spontanée ou encore l’abandon... Adrian a peur qu’un jour on l’oublie, qu’il se retrouve seul. Mais aussi fortes que soient ces peurs, la plupart du temps il les garde pour lui. Parce qu’il sent bien qu’elles pourraient paraître ridicules aux yeux des autres.
Une nouvelle inquiétude vient s’ajouter a sa liste secrète lorsqu’il entend parler de la disparition de trois enfants alors qu’ils allaient acheter des glaces. A l’inquiétude s’ajoute l’incompréhension.
« Jamais Adrian n’avait imaginé qu’un enfant ordinaire, un garçon comme lui (...) était susceptible d’intéresser quelqu’un d’autre que sa famille ou ses amis. Jamais il n’avait envisagé que l’on pût enlever ou vouloir un enfant banal. En fait, il n’avait jamais envisagé qu’un enfant ordinaire pût être désirable. »
Et puis il y a cette étrange famille qui vient de s’installer en face de sa maison et qui semble avoir des choses à cacher...
Sonya Hartnett pénètre magnifiquement le monde de l’enfance et ses souffrances, ses doutes, ses espoirs, ses inquiétudes, ses incompréhensions, ses drames également. Elle peint avec justesse et précision la naïveté des enfants, leur inconscience du danger, l’interprétation de la réalité qui les entoure, la manière dont ils intériorisent ce qu’ils ne perçoivent pas encore comme des souffrances...
« Adrian est un enfant pour qui la vie peut s’effondrer à la moindre occasion. Une seule petite difficulté suffit à le briser. Devant la fenêtre, il se laisse envelopper par l’inquiétude; la marée des soucis lui soulève le cœur. Ses yeux gris s’humectent. Ses angoisses semblent vouloir s’infiltrer. Il n’a que neuf ans, mais le monde tente déjà de le submerger. Il ne sait pas comment il survivra quand il sera grand, quand ses angoisses auront crû avec les années, quand elles auront fleuri, quand elles se seront multipliées. »
Par ce récit, l’auteur s’attache à redonner de la légitimité aux peurs et aux angoisses auxquelles peut être confronté un enfant. Des angoisses que nombre d’adultes se contentent de minimiser, voire d’ignorer, sous prétexte du jeune âge et de l’inexpérience que ces jeunes âmes ont du monde. Par sa plume douce, juste, riche en descriptions et en détails, elle nous rappelle à quel point la solitude peut être douloureuse, même lorsqu’on a que neuf ans.
Une enfance australienne
Sonya Hartnett
Editions J’ai Lu