Quand t'es pas bien, pas pas bien, il arrive que tu ais envie qu'on te raconte des histoires. Tu sais, quand le blues s'empare de ta partition, les trois accords (ou cinq), les douze mesures de ta déprime. Quand tu fais tes courses chez le marchand de noir, qui a piqué la place du marchand de couleurs, quand tout va sauf tout ou sauf toi, quand c'est pas le jour, la veille non plus ni le lendemain, t'as envie qu'un conteur s'amène, avec ses livres d'images tendres et douces, ses livres d'images du Printemps, comme si le Printemps s'était imposé dans l'hiver qui te brise le coeur, congelé, pailleté, foutu, t'as envie qu'un conteur. Un storyteller. Quelqu'un qui saurait exprimer avec les mots de l'harmonie et de l'espoir ce qui te rend dysharmonique et désespéré(e). Une histoire simple, un passé composé de quotidiens acceptables, désirables, pourquoi pas ?
Le conteur serait Bruce Springsteen, parce qu'il a la force et la douceur, ces mouvements vers les autres, cette sorte de grâce un peu virile qui rassure. Le titre aurait pu être The river, une de ces grandes histoires par lesquelles il sait fonder le mythe. Ou The ghost of Tom Joad. En cherchant un peu, je suis tombé sur cette vidéo dont l'image médiocre semble la signature d'une fenêtre sur le quotidien. Ca s'appelle American skin et ça parle de peau américaine. Ca parle aussi d'un jeune homme, de sa mère et ça dit que "we'll take that ride/Across this bloody river to the other side".
Je dédie ce billet et la chanson aux personnes en mal d'elles-mêmes ou d'autres, en cet anniversaire triste du 22 mars. Ceci ne correspond en rien à une tristesse personnelle, mais à une vraie souffrance de la tristesse des autres.