En 2010, Jean-Paul Delevoye avait dressé au chevet de la France le portrait d’un pays usé psychiquement. Un constat assorti d’une mise en garde : “politiquement cela peut mal tourner. L’histoire a montré que le ressentiment et la peur nourrissent le populisme“.
Hélas, mille fois hélas, le « docteur » Delevoye ne s’est pas trompé. En seulement une petite année, le mal a empiré. “Les gens ne croient plus au destin collectif de la France. Ils croient au bonheur individuel, à l’épanouissement individuel” a regretté ce matin sur France Inter le médiateur de la République qui évoque dans son rapport “les ressorts citoyens, usés par les comportements politiciens“.
La faute donc en grande partie à une classe politique pour qui, la fin justifie les moyens. Qui use et abuse de calculs électoraux de postures politiciennes et n’hésite pas à recourir à de propos violents, quitte à tendre un peu plus la société.
Jean-Paul Delevoye regrette une façon de faire de la politique dans laquelle “l’important c’est de gagner un électeur même si on perd un citoyen”. “Dans ces périodes-là, on a tendance à caresser les bas instincts des peuples“, “certains plaident pour la montée de cet individualisme” souligne celui qui se définit comme un gaulliste social.
Sans jamais être cité, en creux, Nicolas Sarkozy est directement visé. Conquête du pouvoir pour le pouvoir, RGPP, retraites, culture de la peur, tout y passe.
“Ce n’est pas le comptable qui doit prendre le pas mais le sens de la réforme” juge l’ancien ministre en référence à une RGPP qu’il accuse de déshumaniser les services publics.
Jean-Paul Delevoye dénonce également une société dans laquelle “on construit sur le sable des émotions plus que le ciment des convictions” et dresse un terrible constat : “quand on a plus le champ des espérances, on exploite le champ des peurs et des humiliations”.
Aux yeux du médiateur c’est le pacte républicain “qui fait pourtant la force de la France” qui est menacé. Pertes de solidarité générationnelle et du sens de l’impôt, délitement de la citoyenneté constituent selon lui des signes tangibles de ce danger.
“Nous devons nous poser un certain nombre de questions” avance le médiateur. Au premier rang d’entre elles, “celui de savoir si nous souhaitons rester dans un système de consommation de la république et de perte de la citoyenneté”. “Si aujourd’hui 2012 n’est pas réflexion collective sur le vivre ensemble et le chacun pour soi on risque d’avoir une remise en cause de tout ce qui faisait la force collective de la France”.
Encore faudrait-il que les formations politiques soient en capacité de proposer des projets de société en phase avec l’évolution très rapide de celle-ci. Après le temps de la décomposition doit venir celui de la recomposition. “La frontière n’est plus entre la droite et la gauche mais entre ceux qui récusent ou non la mondialisation” estime Jean-Paul Delevoye qui appelle à restaurer la politique en renouant avec une certaine éthique.
Crédit photo : Alain Elorza (Flickr)