Poésie du samedi, 22 bis (nouvelle série)
L’autre jour, nous parlions entre amis porteurs de chapeaux du sens qu’il pouvait justement y avoir à porter un chapeau. Indépendamment du fait de se protéger de la pluie, par exemple. En tant que substitut d’une couronne que personne parmi nous ne sera jamais en situation de porter, le chapeau cristallise le moment dynamique du couronnement (pensons-y donc à chaque fois qu’on s’en coiffe !) et l’achèvement hiératique de l’homme ainsi coiffé, comme parachevé dans son essence, c’est-à-dire réintégré dans son état primordial d’avant la chute. En tant que tel, il manifesterait le dynamisme immobile de l’homme ayant reçu les deux premiers dons de l’Esprit saint à savoir l’intelligence et la sagesse, pas moins. Le chapeau serait donc le substitut de Kether, la couronne suprême de l’arbre des Sephiroths. Et le couronné, fût-il simple chapeauté, serait alors comme le maître du monde au centre de son univers, comme le point central d’un cercle…
J’ai toujours beaucoup de mal, quand survient le printemps, à renoncer au port de mon galurin habituel. Je viens de comprendre pourquoi. Avec mon chapeau vissé sur le crâne, je me sens tellement bien, comme dans ce cercle premier de Guillevic…
Cercle, I
[Ici, imaginez un cercle dont sont figurés sa circonférence et son centre]
Tu es un frère,
On peut s’entendre.
Fais-moi pareil,
Enferme-moi.
Réchauffons-nous,
Vivons ensemble
Et méditons.
Cercle, II
[Ici, imaginez un cercle dont est figurée sa seule circonférence]
Toi, profondeur
Dans ta surface.
Profondeur assise
Au seul niveau
De la surface.
Et pas de fuite
Dans aucun volume.
Parfaitement plein
Dans ta profondeur,
Dans l’immobile va-et-vient
Qui te nourrit.
Profondeur en toi
De chacun des points
Pour les autres points qui te font le cercle.
L’ennui
Vaincu.
Guillevic (Carnac 1907,- Paris 1997), Euclidiennes, Gallimard 1967.