À l'unité de soins intensifs, il y a ce jeune homme, mis en chambre d'isolement et sous contention depuis presque trois semaines. Il nous a été envoyé d'une unité pour malades difficiles. C'est un patient qui dans le langage courant des services de psychiatrie, passe à l'acte. Il est hétéroagressif, c'est à dire qu'il agresse physiquement les autres.
Depuis qu'il a commencé à menacer l'équipe, le médecin a décidé qu'il serait attaché.
La contention a ses vertus thérapeutiques. Elle prévient les passages à l'acte, aussi bien envers autrui qu'envers le patient lui-même, mais permet également à ce dernier de se recentrer, de pouvoir lorsque son état psychique ne le permet pas, de se poser.
Soit.
Il y a donc ce patient qui toute la journée durant reste attaché dans une chambre fermée.
Nous allons le voir régulièrement, pour voir si tout va bien, pour surveiller son état, pour humaniser un peu l'enfermement. Parfois, il nous demande quand il serait détaché. Nous lui répondons stupidement et lâchement que c'est au médecin d'en décider et que pour l'instant, nous ne pouvons faire autrement.
L'évitement, un beau mécanisme de défense...
L'autre jour, M. L. m'a fait rire : il imitait l'accent du sud des infirmiers qui s'étaient occupé de lui à l'UMD de Montfavet.
Depuis quelques temps, M. L. semble moins tendu. À chaque fois que nous allons le voir, il nous gratifie d'un sourire très pur, candide, comme celui d'un enfant...
C'est dans cette unité de soins intensifs que je travaille désormais. Dix lits, deux chambres d'isolement, un service fermé. Univers presque carcéral.
Je n'aime pas.
Souvent, je me dis : et si je retournais au foyer ?
Puis je me retiens, m'interdisant cette pensée, espérant que demain, un jour, je m'y ferai, à ce nouveau service qu'on appelle si subtilement l'USI.