Je ne connaissais même pas le nom d'Angela DAVIS. Malgré les Stones, malgré Lennon.
Militante pour la libération du peuple noir américain dans les années 60 et 70, membre du Parti Communiste, elle a décroché très jeune les plus hauts diplômes d'état en philosophie, et s'est retrouvée chargée de cours dans une université californienne, où elle s'adressait à des amphithéâtres d'étudiants blancs et noirs fascinés par la force et l'autorité de son discours. Le sujet de ses interventions s'appuie sur la dialectique de l'oppression et de la libération. En 1969, lors son premier trimestre, son cours présente les « thèmes philosophiques récurrents de la littérature noire ». L'énoncé sonne à mes oreilles comme un avant-goût de Toni Morrison.
En 1969 un certain Reagan, de son autorité de gouverneur, lui retire son poste. Le tribunal le lui redonne, et l'université aussi. C'est le début d'une opinion populaire favorable à son égard, mais le couple Reagan/Nixon ne l'a pas compris. Alors le gouvernement fédéral l'inculpe dans l'organisation d'un attentat terroriste, et inscrit Angela Davis parmi les dix personnes les plus recherchées des Etats-Unis. La traque commence... et se termine sans tarder. Et cette fois c'est l'incarcération.
L'opinion gonfle alors très vite, non plus seulement sur les campus californiens, mais dans toute l'Amérique, de Los Angeles à Harlem en passant par San Francisco et, bien entendu, le lointain Alabama natal d'Angela Davis. Même à l'étranger, des comités de soutien se mettent en place et réclament la libération d'Angela Davis et de tous les autres prisonniers politiques aux USA : George Jackson, John Clutchette, Fleeta Drumgo, Bobby Seale, Ericka Huggins, Martin Sostre et tant d'autres, qui croupissent dans des prisons insalubres au milieu des cafards et des rats, rabaissés à l'animalité.
Ce recueil paraît en 1971 en France, et se fait le reflet de la lutte pour la libération d'Angela Davis. On y met volontiers l'accent sur ses idées et son combat, et le portrait tourne à l'hagiographie. Elle-même s'exprime assez mal lorsqu'elle explique son combat. Ses cours sont beaucoup plus éloquents. Et si le volume s'intitule Angela Davis parle, malheureusement, elle y parle peu. En réalité, l'ensemble est composé comme un dossier de presse où l'on n'accède qu'après de nombreux obstacles à la parole du messie. Les contributeurs sont en effet gavés de Communisme au point de prétendre (on est en 1971, d'accord, mais quand même) que l'URSS a toujours été aux côtés des peuples opprimés et les USA du côté des oppresseurs... Angela Davis elle-même se décrédibilise rapidement en répétant de façon compulsive les slogans guerriers des Black Panthers, auxquels elle a adhéré en 1968.
Je connaissais le geste de Rosetta Parks, le rêve de Martin Luther King, l'excellente autobiographie de Malcolm X, et tant d'autres combats ayant un rapport plus ou moins lointain avec la littérature...
Angela Davis me rappelle une autre figure dont on parle beaucoup cette année : Simone de Beauvoir. Car Angela Davis, pour ce que je connais d'elle aujourd'hui, est avant tout une intellectuelle et une femme de son temps. En tant qu'intellectuelle et philosophe, comme Beauvoir, elle se trompe parfois lourdement dans sa lecture politique du moment. En tant que femme et en tant que noire, son rôle est emblématique et libérateur.
Alors je lui passe volontiers ses défauts, et je lui souhaite, avec quatre jours de retard, un excellent soixante-quatrième anniversaire, puisqu'elle a eu le bon goût de rester en vie.
93 pages, éd. Notre Temps - en occasion
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