Le 19 mars 2011 à 14h00
LE FIL LIVRES
- Aux Etats-Unis le livre numérique représente déjà 10% des ventes. C'est une chance pour l'ensemble de l'édition et l'opportunité d'une véritable démocratisation des savoirs, estime l'historien Robert Darnton, responsable des bibliothèques de Harvard. Suite de notre dossier spécial Salon du livre qui ouvre ses portes ce vendredi 18 mars à Paris.
Photo : Marc Abel pour Télérama
Le livre dématérialisé va-t-il détrôner le livre papier ?La question semblait futuriste lorsque, en 2000, au Salon du livre, le grand public eut l'occasion de manipuler les premiers lecteurs de livres numériques - il s'agissait alors d'épaisses tablettes, pesant près de 1 kilo, dotées d'un écran rétroéclairé à cristaux liquides et d'une mémoire capable de stocker au plus 15 000 pages. Dix ans plus tard, les évolutions techniques ont changé la donne. Le livre électronique est une réalité. S'il demeure encore marginal économiquement en France, ce n'est plus le cas aux Etats-Unis, où il représentait l'an dernier 10 % des ventes d'ouvrages. Et l'on ne voit plus pourquoi ce chiffre cesserait de progresser, des deux côtés de l'Atlantique, et ailleurs.
Historien et professeur à Princeton, spécialiste du XVIIIe siècle français et des Lumières, Robert Darnton a fait de l'histoire du livre sa passion et sa spécialité. Il est en outre responsable, depuis 2007, du réseau des 70 bibliothèques de l'université de Harvard - qui composent laHarvard University Library(17 millions d'ouvrages, dont 60 % en langues étrangères), deuxième bibliothèque du monde. Il a rassemblé ses réflexions dansApologie du livre, Demain, aujourd'hui, hier,un recueil de textes dans lequel, avec la perspective et les outils de l'historien, il analyse la situation du livre à l'ère numérique, à la lumière de son histoire, qu'il connaît si bien. Rencontre avec un homme raisonnable et érudit, un amoureux du texte et de la chose imprimée, qui refuse le défaitisme et préfère voir, dans les technologies nouvelles de diffusion, non pas un péril, mais plutôt une chance :« Nous vivons aujourd'hui une époque révolutionnaire, aussi révolutionnaire que la période qui a suivi l'invention de l'imprimerie. Mais cela n'exclut pas l'existence de continuités. »