Premier tour des cantonales : petit bilan où l'on voit qu'il y a peut-être des surprises que l'on nous cache.

Publié le 22 mars 2011 par Leunamme

Très forte abstention, grosse percée du Front National, bon score de la gauche, chute de l'UMP, depuis dimanche soir, tout a été à peu prés dit, et à regarder les résultats, ces analyses ne sont guère contestables. Pourtant, si on veut bien se pencher sur les détails, on peut apporter quelques nuances qui pourraient ne pas être négligeables.

Forte abstention :  Il est vrai que le taux d'abstention est record pour ce type d'élection. D'ailleurs, comment pouvait-il en être autrement dans un tel contexte : une actualité internationale qui occupe tous les esprits, une campagne complètement absente des médias, un pouvoir discrédité, une opposition divisée et qui peine à être crédible, bref, une abstention logique. Logique, oui, mais qui ne traduit pas forcément un désintérêt pour la politique, mais qui est plus sûrement une des conséquences du désaveu de la politique menée par la droite. En outre, cette abstention record est à relativiser. D'abord parce que les élections cantonales sont un scrutin confus, qui ne concerne que la moitié des électeurs et qui en plus va être modifié dans trois ans. Ensuite parce que la plupart du temps ce scrutin est associé à d'autres élections, ce qui booste de fait la participation. Enfin, parce que l'on constate que les deux dernières fois où les cantonales étaient seules, le taux d'abstention a été de 40 % en 1994 et surtout de presque 50 % en 1988. On comprend donc que de longue date, les cantonales n'intéressent pas les électeurs. Cette fois-ci, juste un peu plus que d'habitude.

Je rajouterai aussi une petite donnée que tout le monde oubli. L'engouement exceptionnel pour la présidentielle de 2007 a créé une vague d'inscriptions sur les listes électorales sans précédent, notamment dans les quartiers populaires. Or, nombre de ces électeurs d'un jour ne sont jamais retournés dans les bureaux de vote, grossissant de facto l'abstention. Donc, forte abstention, de l'ordre de ce que nous avions connu en 1988.

 Percée du Front National : Difficile de la nier, d'autant plus que le score affiché de 15 % est sous-estimé puisque le FN n'était pas présent dans un tiers des cantons. On est donc plus prés d'un résultat de 19 à 20 % en moyenne. Ce qui en soi constitue un score impressionnant et est véritablement angoissant pour l'avenir.

Ce résultat est facile à expliquer. Entre l'effondrement du pouvoir, une gauche atone et une leader du FN ultra médiatisée, la surprise n'en est donc pas vraiment une. D'autant plus qu'il convient de la relativiser un peu. Tout d'abord parce que l'exrême médiatisation de Mme Le Pen, et les bons sondages de ces derniers jours ont gonflés à bloc cet électorat qui s'est mobilisé plus que les autres. Le FN à certes encore quelques marges de progression au sein des électeurs UMP (on le constatera dimanche prochain), mais quelques points tout au plus, pour moi, il a largement fait le plein au premier tour. Ensuite, parce que le FN fait des scores impressionnants presque partout où il a des candidats, mais justement, ceux ci ne sont présents que dans les zones où il est implanté de longue date. Pas ou peu de candidats dans l'ouest ou dans le centre de la France, et de plus, Paris, qui est historiquement rétive aux extrêmes, ne votait pas. Enfin, et c'est le plus intéressant, on constate que partout où l'abstention est plus faible, où la participation est de l'ordre de 60 à 70 %, c'est à dire souvent dans les zones rurales, le FN ne dépasse pas les 11 ou 12 %, voire beaucoup plus bas dans certains cas. Bref, l'abstention a favorisé le score du FN.

Progression de la gauche : L'ensemble des partis de gauche obtiendraient autour de 49 % des voix, ce qui constitue un record pour des élections de ce type. Un record qu'il convient là aussi de relativiser du moins pour le PS, compte tenu d'abstention, mais surtout de la division à gauche.

Dans le majorité des cantons, il y a eu au moins trois candidats de gauche, voire 4 ou 5. Le résultat est qu'alors que le PS pouvait espérer prendre de nombreux départements, il n'en sera peut-être rien, il peut même en perdre, offrant une victoire à la Pyrrhus pour la droite. En effet, dans de nombreux endroits, la gauche est majoritaire en nombre de voix, mais se trouve éliminée du second tour, du fait de l'abstention et surtout de la division. L'avertissement est clair, est la menace pèsera certainement lors de la présidentielle, surtout si la dynamique en faveur du FN continue.

Autre information d'importance concernant la gauche : elle progresse certes, mais pas le PS. Le parti socialiste est en régression (un point, ce n'est évidemment pas beaucoup, mais quand même), ce qui veut dire que ce sont les autres partis de gauche qui progressent. Les verts tout d'abord, avec 8 % au niveau national, mais en étant loin d'être présents partout. Il font évidemment de très bons scores lorsqu'ils sont alliés au PS, mais même lorsqu'ils sont seuls, ils dépassent régulièrement les 10 voire 15 %. Ils sont toujours sur la même dynamique qui est la leur depuis les européennes de 2009, dynamique qui a peut-être bénéficié d'un petit effet Japon.

Mais pour moi, la surprise, la vraie puisque personne n'en parle, c'est le bon score du front de gauche. 9 % au national, mais autour de 11 % si on ne prend en compte que les cantons où il est présent. Il s'agit d'une vraie progression. Les sortants communistes résistent bien, tandis que les anciens bastion PC retrouvent des couleurs. Il y a donc bel et bien un effet Mélenchon, et on constate aussi que la radicalité de l'électorat ne profite pas qu'au FN.

Chute de l'UMP : Elle est indéniable, même s'il convient de la relativiser du fait que de nombreux candidats de droite n'ont pas affiché leurs couleurs, mais aussi, comme je l'ai remarqué plus haut, parce que partout où l'abstention est faible, la droite résiste bien.

Il n'empêche, la situation pour le parti présidentiel est préoccupante. Il sauvera peut-être les meubles dimanche prochain, en grande partie grâce à la division de la gauche, mais le mal est là. La progression du FN s'effectue grâce à une partie de l'électorat UMP, qui perd aussi sur gauche les centristes qui bien souvent ne se sont pas déplacés. Et la droite ne peut même pas, à mon avis, trouver de réconfort dans l'abstention, puisque celle-ci concerne surtout les zones urbaines et principalement les quartiers populaires, zones où elle n'est pas forcément majoritaire habituellement. Juste un petit chiffre pour donner l'ampleur de la déroute : 2 %, c'est le score du candidat UMP à Hénin-Beaumont, le fief de Marine Le Pen.

Tout cela en soi est inquiètant, mais ce qui l'est plus, mais pas seulement pour la droite, pour tous ceux qui se disent républicains et à qui le FN fait peur, c'est l'attitude des leaders de l'UMP depuis dimanche soir. Une droite divisée sur l'attitude à suivre, qui met le PS et le FN sur le même plan de la dangerosité. Certes l'attitude du premier ministre qui appelle clairement à voter socialiste est salutaire, mais elle rajoute à la cacophonie. La descente aux enfers de l'UMP n'est peut-être pas fini.

Sur d'autres  sujets :

jef fait un petit point sur les cantonales à Nice.

Joli billet d'a tort ou a raison sur les enfoirés. Ceux qui chantent et les autres.

dasola est allée au salon du livre.