Par Jean-Philippe Delsol
La montagne hésite à accoucher d’un monstre ou d’une souris. Après avoir bien pris la mesure du mal endémique que l’ISF faisait endurer à l’économie française, le gouvernement envisage des remèdes qui pourraient être pires que le mal.
Le monstre : l’imposition des plus-values latentes
Pour remplacer l’ISF, le projet d’imposition sur les revenus des plus-values latentes est le fruit vénéneux d’imaginations technocratiques. Les contribuables pourraient être astreints à payer des impôts sur des revenus putatifs, sur des produits évanescents comme ceux de la bourse qui monte et descend au gré des heurs et malheurs de la finance, comme ceux de l’immobilier dont la plus value n’est jamais connue tant que le bien n’est pas vendu. Il n’y aurait pas de plus sûr moyen de décourager l’investissement durable, de contribuer au « courtermisme » ambiant, par ailleurs souvent déploré. Et le nouvel impôt prendrait à son tour le visage d’une usine à gaz pour se substituer à celle de l’ISF.
La souris : ne faire payer que les « très riches »
Pour atténuer le poids de l’ISF, l’autre projet est de le conserver avec seulement deux tranches d’imposition, au premier euro, à 0,25% sur les patrimoines supérieurs à 1,3M€ et à 0,5% pour ceux qui dépassent 3M€. La réforme aurait l’avantage de la simplification, mais le produit de cet impôt, estimé à 2,5 milliards d’euros contre 3,4 actuellement après déduction du bouclier fiscal, montre que les plus riches ne seraient guères épargnés et continueraient de rester à l’étranger pour ceux qui y sont déjà et de s’y installer pour beaucoup d’autres. L’avantage politique serait pourtant appréciable à quelques mois des élections : sur les 500 .000 contribuables soumis actuellement à l’ISF il n’en resterait que 200.000. On aurait sauvé les classes moyennes et taxé les plus riches : bien vu !
Un impôt proportionnel ?
Dans les deux cas, les biens professionnels seraient, semble-t-il, exonérés comme aujourd’hui, mais aussi sans doute avec la même complexité qui entrave la bonne marche des affaires et induit des montages artificiels pour permettre aux familles d’échapper à l’impôt.
La solution n’est pas dans ce raccommodage incessant d’un outil démodé et unique en Europe. La nécessité désormais reconnue de repenser l’ISF est une bonne occasion de remodeler notre fiscalité.
(illustratin René Le Honzec)
L’instauration d’un impôt proportionnel au taux de 2% jusqu’à 8 000€ par an et 15% au-delà permettrait de dégager 2,5 milliards d’euros supplémentaires selon le logiciel de Picketty. L’économiste du Parti Socialiste abandonnerait-il le principe de la progressivité de l’impôt ?
Rassurons-nous : il ne s’agit que d’une estimation, mais Picketty ne se rallie pas à l’impôt proportionnel.
A nos yeux, un impôt proportionnel est toujours préférable à un impôt progressif, comme l’est actuellement l’Impôt sur le Revenu, que ne paye qu’un contribuable sur deux et pénalise surtout ceux qui réussissent. Avec l’impôt proportionnel, tous contribueraient à l’impôt sur le revenu, gage de modération et de démocratie, mais à un taux suffisamment modeste pour qu’il soit accepté par tous.
Mais en réalité le succès de quelque réforme que ce soit est conditionné par la suppression des niches fiscales (IR et TVA) et sociales (22 milliards d’euros au seul titre des compensations Aubry). Il y a là un « gisement » de quelque 100 milliards d’euros. La suppression n’est concevable que si elle est totale.
Parallèlement, la TVA pourrait elle-même être portée à 20% et l’impôt sur les sociétés abaissé à 25% pour se mettre au standard européen. Le coût global en serait de l’ordre de 10 milliards d’euros. Certains pays, comme l’Allemagne, et surtout l’Angleterre, se sont lancés dans cette voie.
Finalement, cette révolution fiscale permettrait de disposer d’au moins 70 milliards d’euros, sinon plus, pour réduire les charges sociales et les déficits publics. Ce surplus permettrait aisément de compenser aux plus pauvres la charge, minime, de l’impôt sur le revenu qui leur serait réclamé, afin que nul n’ignore l’impôt.
Mais surtout, toute réforme doit s’attaquer au maquis fiscal où se perdent aujourd’hui les contribuables lorsqu’ils ne s’y dissimulent pas. C’est la seule façon de stimuler durablement la croissance et de rétablir les finances publiques.
Article publié par l’IREF.