Le Sunday Times nous révèle une histoire qui ressemble bien à de la corruption de haute-volée. Trois députés européens – deux socialistes Slovène et Roumain et un chrétien-démocrate Autrichien – ont été pris en train de proposer de pousser des amendements en échange d’argent. L’un s’est vanté de gagner des centaines de milliers d’euros grâce à d’autres lobbyistes. Un autre a demandé le transfert de ses honoraires via une société étrangère. À une époque devenue cynique concernant la vénalité des politiciens, cette affaire est d’une ampleur bien différente des précédentes. Le député autrichien, Ernst Strasser, a depuis annoncé sa démission.
(Illustration René Le Honzec)
Contrairement à la plupart des députés du Parlement britannique dont les notes de frais ont été publiées par ce journal (1), les députés européens se moquaient consciemment des règles de leur institution (« En aucune manière je ne peux révéler ceci » a dit l’un d’eux). Si vous pensez à une forme de fraude plus claire encore que la vente des lois en échange d’honoraires, je serais bien heureux de l’entendre. Les révélations concernant les députés (NdT : britanniques), remboursés de leurs sofas et de leurs casseroles, ont quasiment transformé la Grande-Bretagne en une foule forte de 60 millions de lyncheurs. Quelles conséquences auront donc ces révélations ?
Virtuellement aucune, je suppose. Le plus proche équivalent que nous avons connu est ce cas – qui concernait également un échange d’argent contre la création de lois, également révélé par l’équipe sous couverture du Sunday Times. C’était pire que n’importe quelle révélation à propos de la Chambre des Communes (2), sauf, peut-être, celles qui impliquaient des fausses factures et qui ont abouti à des poursuites pénales. Pourtant la totalité du scandale a été oubliée. Le pays tempête encore à propos de la maison pour canards (3) dont le montant n’a en fait jamais été réclamé, mais pouvez-vous donner les noms des quatre pairs du parti travailliste impliqués dans le scandale cash-contre-lois ? Vous rappelez-vous seulement, jusqu’à ce que je vous rafraichisse la mémoire maintenant, qu’il y a eu un tel scandale cash-contre-lois ?
Notre sens de l’indignation est devenu sélectif. Nous fulminons à propos de sommes relativement faibles réclamées dans les règles, mais pas lorsqu’il s’agit de la subversion délibérée du processus démocratique. Que se passe-t-il ? Voici, pour ce qu’elle vaut, mon explication.
Premièrement, le timing. Une peccadille mineure un jour où il y a peu de nouvelles peut détruire la carrière d’un politicien ; mais le cas présent est en compétition avec la guerre en Libye et le cataclysme qui a frappé le Japon.
Deuxièmement, personne n’a jamais entendu parler de ces députés européens. Même dans leurs pays d’origine, les députés européens sont quasiment anonymes.
Troisièmement, la corruption au sein de l’union n’est tout simplement plus une nouvelle. Ça devrait l’être, mais ça ne l’est pas (voir ici).
Quatrièmement, le nombre de cas de corruptions auxquels nous pouvons prêter attention avant que notre intérêt faiblisse est limité. Sur les deux dernières années, nous avons été saturés. Nos yeux enregistrent les gros titres et passent à la page suivante. Ce qui est dommage, vu que nous ne sommes plus capables de distinguer les infractions mineures des cas de malfaisances mis en bouteille au château.
Cinquièmement, distinguer bon et mauvais lobbying est compliqué. Il n’y a rien d’intrinsèquement malhonnête dans le fait d’approcher un législateur pour le compte d’autrui. Personne ne penserait qu’il est immoral de consulter un électeur inquiet à propos, par exemple, d’une ferme d’éoliennes. Les gens ne s’opposeraient pas non plus au fait qu’un groupe d’électeurs, tous préoccupés par la ferme d’éoliennes, regroupent leurs ressources et embauchent une personne pour défendre leur cas collectivement. À quel stade ce processus devient-il malhonnête ?
Je ne suis pas très à l’aise en essayant de répondre à cette question, je ne rencontre donc jamais les lobbyistes. Je suis, je sais, extrêmement injuste à l’égard de la grande majorité des gens de cette industrie, qui ne songeraient jamais à se comporter comme l’on fait les agents de l’arnaque du Sunday Times. Mais voilà : la plupart des représentants élus se feront un plaisir de se saisir des cas de leurs électeurs pour rien.
Il y a précisément un an, j’ai prédit que les députés européens seraient les prochains sur la liste pour une tel piège. Depuis lors, tous les députés européens conservateurs ont convenu de publier chaque réunion qu’ils tiennent avec des lobbyistes : vous pouvez consulter les comptes-rendus ici. L’extension de cette pratique à l’ensemble du Parlement Européen aiderait ; la dispersion du pouvoir, afin que les lobbyistes ne soient plus attirés par le réseau bruxellois, serait encore mieux.
Repris du site de Daniel Hannan sur le site du Telegraph, avec son aimable autorisation.
(1) En 2009, grâce à la loi sur la liberté d’information entrée en vigueur en 2005, le Daily Telegraph a révélé que plus de la moitié du parlement britannique s’était fait rembourser des notes de frais sans aucun lien avec leurs fonctions. Ces pratiques se sont étalées sur plusieurs années entre 2004 et 2008, et ont impliqué des membres éminents du parti travailliste et du parti conservateur, dont plusieurs ministres du gouvernement de Gordon Brown. Ce scandale a abouti au remboursement d’environ 500 000 livres (575 000 euros) par 183 députés, à des poursuites pénales dans certains cas et à la non-reconduction de nombreux députés.
(2) Chambre basse du Parlement britannique
(3) Parmi les dépenses curieuses révélées par le scandale des notes de frais du Parlement britannique en 2009 se trouvait une maison pour canards flottante, réplique d’une construction suédoise du XVIIIe siècle, d’une valeur de 1.645 livres (environ 1.900 euros), achetée par Sir Peter Viggers pour sa résidence de Gosport, New Hampshire. Sir Peter appartenait au Parlement depuis vingt-cinq ans et était membre du comité au Trésor.
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Traduction : Eclipse