n ciel lourd et bas, du vent.
Visite rapide du Mazagan Plaza, cet énorme truc qui , de loin, fait très carton pâte, posé au milieu de nulle part, face à un océan boueux; Une fois à l'intérieur, on s'engage dans une suite de patii, jolis mais clinquants,où déjà des zelliges manquent!!!
Nous optons pour le golf d'El Jadida, moins artificiel, moins surfait, moins ghetto. Je ne golfe pas, mais pour une fois j'accompagne sur le parcours des 18 trous.
Je ressens de la gratitude envers la beauté de la nature: j'éprouve un bien être qui m'envahit totalement,une joie intense , pas d'excitation: non, une sorte de recueillement: Je sens que je me dissous dans cette nature,qu'elle m'exprime, que j'en fais partie, que je fais corps avec elle
Les cimes moussues des eucalyptus ondulent sous le vent , les troncs s'entrechoquent avec le bruit sec et sourd d'un claquement de dents; Le caddy me recommande d'être prudente et de rester sur le parcours et non pas d'emprunter le chemin qui borde le green car les arbres,dit il, peuvent s'abattre soudainement avec ce vent violent;
Polie, j'accepte de l'écouter quand j'entends un craquement sinistre,un vague son de soie froissée et aussitôt un arbre se couche , cassé, brisé: voila la vie: on vit, on meurt...On est de passage, en transit......
Les ramures s'emmêlent, ploient sous le vent et mugissent comme les vagues de l'océan tout près : eau et terre se confondent dans un murmure infini et font communier tous les éléments de la nature entre eux , et avec moi
: Suis je sur le bateau, en pleine mer? sur à terre, en pleine foret? Je ne sais;
j'entends les orgues du vent dans les branches des arbres, avec parfois l'entre choc de troncs qui me fait penser au battement d'instruments de bois comme les planchettes à frapper , servant à marquer les temps forts dans les temples taoïstes :Ce bruit mat vient scander de son son sec et rythmé la houle sonore des frondaisons comme lors d'une prière de moines
La Chine a crée ses instruments de musique en liant leurs sons à ceux des 5 éléments :
Les sons forts représentent le Yin de la terre et ceux , plus clairs et doux, le Yang du ciel:Il y a, au cours de cette marche sur le golf d'El Jadida une énergie qui circule dans mon être,énergie non pas corporelle et physique mais énergie quasi cosmique
Ma vie en Chine m'a appris à observer la nature avec attention, à déceler le développement du bourgeon chaque jour un peu plus renflé, un peu plus marron, un peu plus ventru: cette attention de l'instant est comme une méditation;Regarder la nature dans un pays aux saisons si rythmées (les chinois comptent 24 sections de saisons!!) permet d'être comme le Renard du "Petit Prince": d'attendre, de les attendre.
Le Maroc, avec sa végétation luxuriante, toujours verte et en fleurs,ses saisons si peu marquées, demande encore plus d'effort: on ne s'aperçoit pas toujours, si on n'y prend garde, de ses changements, de ses infimes transformations:On veut regarder le bourgeon qu'on avait cru noter la veille et déjà la fleur ou la feuille est largement déployée.
Je me serais crue dans une cathédrale, dans un lieu saint, en résonance avec des ondes supérieures, apaisantes et profondes: l'océan boueux de la côte formait comme un mur marron ,avec quelques mousses blanches, dressé contre le ciel qui se confondait avec le gris de l'eau; Je percevais alors le haut des frondaisons d'un mauve timide, d'un vert pâle , nature renaissante au dessus des barbes chenues séchées des pousses anciennes
Ce fut une méditation marchée!
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent
Baudelaire(Correspondances, Fleurs du Mal)
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