A l’heure où je promenais mes yeux ébahis sur les premiers bourgeons prometteurs d’un printemps attendu, d’autres trainaient leurs corps ramollis par les blessures du temps jusqu’aux urnes, allant comble du masochisme jusqu’à s‘extirper du confortable fauteuil dans lequel résigné ils assistaient à leur dose dominicale de service public, Michel mon amour,pour accomplir leur pèlerinage électoral. L’électeur est un croyant. Comme tout bon pratiquant sa religion lui interdit tout péché , il exècre l’abstentionniste . Homme de foi, il voue un culte immodéré à la politique qui guide ses choix dans les moindres détails, s’interdisant le port de la Rolex quand il est de gauche, d’enlever sa cravate quand il est de droite , bien emmerder quand il est au milieu. L’électeur est toujours en prise avec lui-même, son corps venant lui rappeler constamment l’ambivalence de son engagement : en effet n’a-t-il pas voté à gauche de la main droite et vice et versa ? Tandis que conscient de son geste il s’interroge alors sur la possibilité de changer de main n’est –il pas de nouveau en proie au doute lorsque l’hémisphère gauche de son cerveau conduit sa main droite à glisser un bulletin de gauche dans l’enveloppe ? Pragmatique l’électeur vote au centre ne sachant plus très bien quelle main utiliser, ni s’il doit faire fonctionner la partie droite ou gauche de son cerveau. C’est à peine sortit du bureau, qu’horreur , il s’aperçoit que c’est tour à tour sa jambe droite, puis gauche, dans le prolongement desquelles ses chevilles elles aussi des deux bords, soutenues par ses pieds aux mêmes dénominations divergentes- les traitres-, qui au gré de leur avancé incertaine mais régulière le ramène tant bien que mal vers son canapé. N’est ce pas là, sous ses propres yeux également en opposition, la manifestation d’une véritable alternance, qui bien que troublant sa foi lui assure un équilibre relativement certain ? Anéantis par la découverte catastrophique d’une antinomie insoluble entre les lois de la nature et les lois du culte il se couche péniblement sur le côté gauche laissant TF1 en bruit de fond compenser cette inclination inhabituelle. C’est à l’aube qu’il conviendra d’une solution : incapable d’agir, il mettra ses deux pieds dans le même sabot. L’alternance rompu, il chutera lourdement et lorsque alerté par une vive douleur à la tête il consentira à mettre un peu de pommade, il sera déjà trop tard, elle sera énorme la bosse sur le FRONT.