Le véritable enseignement de la projection de Saathiya, cela a été de constater que le film était projeté en DVD. Un cadre réduit, une qualité d’image peu reluisante, les traits du format DVD sont flagrants, et si regarder un DVD sur un écran de télé c’est de la qualité à l’état pur, la fameuse galette ne se prête pas franchement à la projection sur grand écran. L’image est moche, autant le dire. Mais bon, Cinérail n’est pas le premier festival à projeter un film ainsi, et ce n’est certainement pas le dernier. Pas de quoi rendre une projection insupportable. Ce qui l’est, en revanche, c’est ce qui s’est passé avec Dil Se.
Dil Se, ce n’est pas un Bollywood obscur. En tête d’affiche Shah Rukh Khan, LA star indienne, partageait pour la première fois l’écran en 1998 avec Preity Zinta, une des grandes étoiles féminines de la décennie qui a suivi. Grand succès au box-office indien, le film affiche même un tube (« Chal Chaiyya Chaiyya ») qui a été repris à Hollywood, par Spike Lee dans son Inside Man. Il est déjà passé en festival en France, déjà passé à la télévision sous le titre De tout mon coeur... Non, décidément, Dil Se n’est pas une rareté introuvable. Alors forcément, face à ce que nous a proposé le Festival Cinérail dimanche, l’atterrement est de mise.
Pour être tout à fait exact, les premiers sous-titres à apparaître étaient en anglais, puis du français est apparu. Mais de français, il n’y avait que les mots. Car le sens était absent des sous-titres. Il ne s’agissait ni plus ni moins qu’une traduction littérale et automatique de l’anglais, du genre faite à partir d’un mauvais traducteur en ligne. Résultat, les sous-titres n’avaient ni queue ni tête. Sur les 2h45 de film, il a dû y avoir, allez, une quinzaine de répliques bien traduites. Les autres étaient au mieux compréhensibles en remettant la phrase dans le bon sens ou en repérant la traduction littérale à partir de l’anglais (lorsque Shah Rukh Khan dit « Je suis alimenté vers le haut » ou « Donne-le en haut », on comprend que la traduction est faite à partir de « I’m fed up », « j’en ai marre », ou « Give it up », « laisse tomber »), au pire, totalement incompréhensible. Et malheureusement, cette dernière situation n’était pas rare.
Outre le désagrément de l’incompréhension, l’autre facteur que ces sous-titres désastreux ont entraîné, ce sont les rires. Forcément, toutes ces traductions littérales ont donné lieu à un texte pathétique et parfois hilarant qui a totalement désamorcé les enjeux dramatiques du film. Au lieu d’un drame poignant sur l’héritage de l’Indépendance indienne, le Dil Se version Cinérail offrait une comédie poilante sur les affres de la traduction cinématographique. Difficile ainsi de prendre l’œuvre au sérieux, ou même de rentrer totalement dedans.
Il y a quelques années, Shah Rukh Khan, Preity Zinta, Rani Mukerji et les autres stars made in Bollywood avaient droit à des sorties en salles officielles emballantes. Aujourd’hui, elles doivent se contenter d’un festival projetant un DVD avec des sous-titres semblant écrits par un gamin de 10 ans ayant triché sur Internet pour faire ses devoirs. J’aimerais en rire, mais je trouve ça triste.