Non, je ne me suis pas trompé de touches lorsque j’ai tapé le titre de ce billet. Dans quelques paragraphes, vous aurez compris. J’adore le cinéma bollywoodien. Je l’adore depuis le tout premier film du genre que j’ai vu sur grand écran, Lagaan. Et depuis l’année 2006 qui avait vu les sorties de trois de ces films, dont le magnifique Veer Zaara, je me désole de voir Bollywood déserter les salles de cinéma françaises. Oh, il y a bien eu le faiblard Saawariya il y a deux ans, mais voir qu’entre tous les films qui auraient pu sortir c’est celui-ci qui a été sélectionné par un distributeur français ne fait qu’ajouter une pierre à la déception.
Quelle ne fut donc pas ma joie lorsque je découvris qu’au Reflet Médicis la thématique de l’édition 2011 du Festival Cinérail était L’Inde! Le festival ne m’était connu que de nom, mais à la vue de la programmation, proposant quelques Bollywood inédits en salles, mon sang n’a fait qu’un tour et mon agenda s’est tout à coup trouvé agrémenté de deux films sur le week-end du 19/20 mars : Saathiya de Shaad Ali, et Dil Se de Mani Ratman. Je ne parlerai que peu du premier, un exercice mineur du genre datant de 2002 dont la plus grande qualité est la présence en haut de l’affiche de la resplendissante Rani Mukerji (ou Mukherjee, l’orthographe varie selon les films). Hormis cela le film offre son lot de comédie, de romance et de drame sans grande originalité, avec un cachet trop bling bling, et une seconde moitié trop « chamailles de grands adolescents » pour vraiment faire vibrer.
Le véritable enseignement de la projection de Saathiya, cela a été de constater que le film était projeté en DVD. Un cadre réduit, une qualité d’image peu reluisante, les traits du format DVD sont flagrants, et si regarder un DVD sur un écran de télé c’est de la qualité à l’état pur, la fameuse galette ne se prête pas franchement à la projection sur grand écran. L’image est moche, autant le dire. Mais bon, Cinérail n’est pas le premier festival à projeter un film ainsi, et ce n’est certainement pas le dernier. Pas de quoi rendre une projection insupportable. Ce qui l’est, en revanche, c’est ce qui s’est passé avec Dil Se.
Dil Se, ce n’est pas un Bollywood obscur. En tête d’affiche Shah Rukh Khan, LA star indienne, partageait pour la première fois l’écran en 1998 avec Preity Zinta, une des grandes étoiles féminines de la décennie qui a suivi. Grand succès au box-office indien, le film affiche même un tube (« Chal Chaiyya Chaiyya ») qui a été repris à Hollywood, par Spike Lee dans son Inside Man. Il est déjà passé en festival en France, déjà passé à la télévision sous le titre De tout mon coeur... Non, décidément, Dil Se n’est pas une rareté introuvable. Alors forcément, face à ce que nous a proposé le Festival Cinérail dimanche, l’atterrement est de mise.
En voyant Saathiya samedi, je me disais « Pourvu que Dil Se ne soit pas proposé en DVD ». Si. Dil Se a été proposé en DVD. Zut. Dommage. Mais là où le bât blesse, c’est la qualité du DVD qui nous a été projeté. Et là… là… je miserais bien sur un DVD acheté une poignée d’euros du côté de Strasbourg Saint-Denis. A quoi cela se voit-il ? Aux sous-titres. Imaginez un peu. Lors des premières images du film (petites et de mauvaise qualité, et quand il y a le petit logo « Play » qui apparaît en haut à gauche de l’écran, c’est encore plus flagrant), le sous-titrage faisait passer le protagoniste, incarné par Shah Rukh Khan, pour un handicapé mental. Mais au bout de quelques minutes, et l’intervention d’autres personnages, je me rends compte que non, le personnage n’a pas de handicap (sinon le niveau de français serait bien meilleur, à n’en pas douter), il s’agit en fait de sous-titrages très approximatifs au niveau de la langue française.
Pour être tout à fait exact, les premiers sous-titres à apparaître étaient en anglais, puis du français est apparu. Mais de français, il n’y avait que les mots. Car le sens était absent des sous-titres. Il ne s’agissait ni plus ni moins qu’une traduction littérale et automatique de l’anglais, du genre faite à partir d’un mauvais traducteur en ligne. Résultat, les sous-titres n’avaient ni queue ni tête. Sur les 2h45 de film, il a dû y avoir, allez, une quinzaine de répliques bien traduites. Les autres étaient au mieux compréhensibles en remettant la phrase dans le bon sens ou en repérant la traduction littérale à partir de l’anglais (lorsque Shah Rukh Khan dit « Je suis alimenté vers le haut » ou « Donne-le en haut », on comprend que la traduction est faite à partir de « I’m fed up », « j’en ai marre », ou « Give it up », « laisse tomber »), au pire, totalement incompréhensible. Et malheureusement, cette dernière situation n’était pas rare.
Outre le désagrément de l’incompréhension, l’autre facteur que ces sous-titres désastreux ont entraîné, ce sont les rires. Forcément, toutes ces traductions littérales ont donné lieu à un texte pathétique et parfois hilarant qui a totalement désamorcé les enjeux dramatiques du film. Au lieu d’un drame poignant sur l’héritage de l’Indépendance indienne, le Dil Se version Cinérail offrait une comédie poilante sur les affres de la traduction cinématographique. Difficile ainsi de prendre l’œuvre au sérieux, ou même de rentrer totalement dedans.
Comment donc est-il possible de suivre le film dans ces conditions ? Comment donc prendre au sérieux un festival qui ose projeter un film dans ces conditions ? N’ont-ils donc pas du tout vérifié le film et son sous-titrage avant de le jouer ? Ou bien se sont-ils dit que ce n’était pas si grave que cela, après tout ? Le film m’en a été gâché. Je serais bien incapable de dire si je l’ai aimé ou pas. Les ricanements persistaient, l’attention se décrochait, et moi, j’hésitais entre essayer de dormir (pour ne pas me gâcher le film plus en avant), et m’amuser des sous-titres en élisant quel serait le plus pathétique (à ce titre, une scène romantique où Shah Rukh Khan fait un compliment sur le sourire de Preity Zinta en lui parlant de « l’os pointu de sa joue » au lieu de ses pommettes, « cheekbone » en anglais, arrive certainement dans le Top 3).
Il y a quelques années, Shah Rukh Khan, Preity Zinta, Rani Mukerji et les autres stars made in Bollywood avaient droit à des sorties en salles officielles emballantes. Aujourd’hui, elles doivent se contenter d’un festival projetant un DVD avec des sous-titres semblant écrits par un gamin de 10 ans ayant triché sur Internet pour faire ses devoirs. J’aimerais en rire, mais je trouve ça triste.