Il est possible que le gouvernement minoritaire conservateur du PM Stephen Harper soit renversé cette semaine par un vote à la Chambre des communes canadienne. Le pays sera alors projeté dans une élection générale.
L’heure est donc à l’analyse du bilan du gouvernement Harper. Et pour l’évaluer à sa juste valeur, j’ai pensé comparer ses actions à celles des premiers ministres qui l’ont précédé, soient Louis Saint-Laurent, Pierre-Eliott Trudeau, Jean Chrétien, Brian Mulroney et Paul Martin.
Le gouvernement Harper n’a pas en son sein de Québécois à la hauteur des responsabilités gouvernementales à Ottawa. La dizaine de députés conservateurs actuels est incapable d’imposer ses idées à Harper. Les ministres québécois choisis ont été nommés parce que le PM Harper n’avait pas de choix. Peu font le poids et aucun n’est vraiment partie de la tête dirigeante du pays.
Louis Saint-Laurent fut PM du Canada de 1948 à 1957. Entouré de ministres prestigieux du Québec, il entreprit la route transcanadienne, lança la voie maritime du Saint-Laurent, construisit l’oléoduc canadien, nomma un premier gouverneur-général né au pays, participa à la fondation de l’OTAN, instaura les paiements de péréquation aux provinces, accepta de réduire l’impôt fédéral suite à l’instauration d’un impôt personnel au Québec, apporta des modifications importantes aux pensions de vieillesse et à l’assurance maladie, fit de Terre-Neuve une nouvelle province canadienne et encore…
Pierre Elliott Trudeau fut PM du Canada de 1968 à 1979 et de 1980 à 1984. Il avait joint le cabinet du PM Lester Pearson avec Jean Marchand et Gérard Pelletier. Il légalisa l’avortement, le divorce et l’homosexualité. Devenu PM, il adopta la loi sur les langues officielles faisant du Canada un pays bilingue, il décréta la loi sur les mesures de guerre à la crise d’octobre 1970, abolit la peine capitale, rapatria la constitution canadienne de Londres, signa la nouvelle constitution canadienne et y intégra une nouvelle charte des droits et libertés. Il fit adopter le programme énergétique national, et encore…
Brian Mulroney fut PM du Canada de 1984 à 1993. Son équipe ministérielle comprenait des Québécois de grande qualité. Il réalisa le traité de libre-échange avec les USA et le Mexique; instaura la TPS pour régler les problèmes de dette du pays; fit tout pour obtenir une reconnaissance officielle du Québec par l’accord du Lac Meech, rejeté par deux provinces, et l’accord de Charlottetown rejeté par référendum; enchâssât les droits linguistiques des Acadiens du Nouveau-Brunswick dans la constitution. De plus, il privatisa 23 sociétés d’État dont Air Canada et Petro-Canada, créa un nouveau territoire du Nord-Ouest nommé Nanuvut, s’opposa à l’apartheid en Afrique du sud malgré les pressions des USA, collabora à la guerre du golfe de 1991, signa l’accord sur les pluies acides avec les USA, s’opposa à l’invasion du Nicaragua par les Américains, et encore…
Jean Chrétien fut PM du Canada de 1993 à 2003. Son équipe ministérielle comprenait plusieurs québécois de valeur. Il fut ministre sous Lester Pearson et Pierre Elliot Trudeau. En tant que PM, il participa aux référendums de 1995 sur la séparation du Québec, ratifia l’Accord de Kyoto, refusa de participer à la guerre en Irak. Avec son ministre des finances, Paul Martin, il élimina les déficits de plus 42 milliards $, enregistra cinq surplus, remboursa 36 milliards $ sur la dette nationale et réduisit les impôts des particuliers et des entreprises de 100 milliards $ sur 5 ans, la plus grande réduction d'impôt de l'histoire, et encore...
Paul Martin fut PM du Canada de 2003 à 2006. Il avait aussi une équipe de ministres québécois compétents. Il entreprit d’améliorer les relations avec les USA; de répartir une partie des excédents fédéraux pour aider les provinces; accepta, une première canadienne, que l’argent remis au Québec puisse être dépensé ailleurs qu’à la santé où le dictait le fédéral (le PM Charest l’attribua à l’impôt personnel pour rendre le taux fiscal québécois plus compétitif). Il suggéra d’augmenter le G8 à G20, établit de meilleures relations avec la Chine qui accepta son accord de partenaire stratégique, et nomma une Québécoise d’origine haïtienne gouverneur-générale du Canada. Et encore…
Voilà un bilan bien succinct des actions prises par les PM qui ont précédé Stephen Harper. On peut être en désaccord avec certaines de leurs actions, mais on ne peut que reconnaitre que les Québécois étaient à la tête du Canada, jouaient un rôle décisionnel et que de grandes décisions étaient prises.
Stephen Harper est PM depuis janvier 2006, toujours minoritaire. Qu’a-t-il fait ? Sa première action fut de s’opposer à l’accord de Kyoto et de défendre bec et ongles l’exploitation des sables bitumineux d’Alberta, sa province. Puis, il se mit à mimer GWBush, calquant même ses lois aux américaines. Il fit accepter une résolution reconnaissant la nation québécoise, voter la loi sur la responsabilité réduisant les influences et instaurer le principe des élections à date fixe. Il changea notre politique de neutralité au Moyen-Orient en plaçant le Canada unilatéralement en faveur d’Israël. Il joignit la guerre en Afghanistan et dépense des milliards $ pour ce faire et pour moderniser les équipements militaires. Il a renouvelé l'accord de NORAD avec les USA, le rendant permanent et y ajoutant la défense maritime au détriment de la souveraineté canadienne. Il a boudé les Jeux Olympiques de Beijing et essaie depuis de retisser les liens avec la Chine. Il a réglé le conflit du bois d'œuvre sans récolter le remboursement total des 5 milliards $ payés inutilement par les producteurs canadiens en tarifs douaniers. Il a hérité d’un budget à surplus mais gouverne depuis avec des déficits qu’il a accentués en diminuant la TPS de 2% pour fins électorales. Il a organisé un programme de financement d’infrastructures pour contrevenir aux effets de la crise.
En comparaison avec ses prédécesseurs, je place Stephen Harper au bas de la liste. Son gouvernement manque d’imagination, de courage politique, de vision et ne pense qu’à satisfaire sa base d’à droite de la droite. Je n’ai jamais manifesté un patriotisme excessif, mais il me semble clair que c’est un gouvernement à un son de cloche. Il lui manque celui du Québec pour avoir vraiment une âme canadienne d’un océan à l’autre à l’autre.
Comme le Parti Conservateur qui n’aide pas le Québec en ne recrutant pas des candidats de grande valeur, le Bloc Québécois n’aide pas le pays et n’aide pas le Québec à Ottawa. En prêchant un nationalisme mal pensé, le Bloc vide les rangs de Québécois des partis fédéraux et empêchent ces partis d’être vraiment la réflexion de ce qu’est le pays. Les Québécois sont à la base des grandes transformations politiques du pays. La marque importante qu’ils ont laissée à Ottawa doit se poursuivre. Le pays doit cesser de végéter.
A nous de voter bientôt pour accroître la représentation du Québec dans les rangs des partis fédéraux.
Claude Dupras