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La parole de Temps // Wajdi Mouawad

Publié le 21 mars 2011 par Marielyner

Temps (c) La Presse© La Presse Canadienne 

Est-ce que voir Wajdi à Berlin est différent de voir Wajdi à Montréal  ? Est-ce que le jugement est le même  ? Assister à un marathon théâtral nocturne (Littoral, Incendies, Fôrets et Ciels) sous le ciel avignonnais au Palais des Papes n’a probablement pas le même effet que de voir chacune des pièces dans des lieux différents et ce, sur une période de temps diverse. Entendons-nous, je n’ai pas suivi toute l’œuvre mouawadienne : j’ai lu la pièce et vu le film Littoral mais seulement vécu Incendies et Forêts au théâtre. N’empêche. Les thèmes sont récurrents : filiation, mémoire/oubli, genèse, inceste, prise de parole… Rien de léger. Et le texte coule. Longtemps. Mais toujours avec une intrigue bien ficelée. Des fragments d’un tout qui finissent par s’emboiter parfaitement.

Wajdi est un homme de foi. Il mérite qu’on salue sa sensibilité, sa profondeur, son engagement total. Je me confesse : oui j’aime Wajdi. J’aime me faire raconter ses histoires. J’ai été touchée par Incendies. Troublée jusqu’à la fin. J’en ai eu pour 3 jours à me remettre après la représentation. Et je me suis laissée portée par Fôrets. Spectatrice naïve parfois, peut-être, j’aime ses longs textes qui n’en finissent plus. Bon. Ce n’est peut-être pas le plus grand auteur de théâtre du siècle, j’en conviens, mais moi j’aime ces histoires torturées, construites comme une mosaïque. Et la langue de Wajdi. Cette langue qui traite des grands mythes fondamentaux avec une poésie contemporaine. Sans compromis.

Temps m’a déçue. Et pas parce que ça ne ressemble pas à ce qu’on connaît de Wajdi. Justement. J’espérais quelque chose de neuf. Mais j’ai été déçue par cette forme nouvelle et pareille à la fois. Non seulement déçue au niveau de la fable, mais sur tous les plans : narratif, mise en scène, jeu, dramaturgie… J’ai vraiment eu l’impression d’assister à une mauvaise parodie de ses pièces précédentes. Cette langue qui est habituellement riche et complexe est ici complètement pauvre et lourde. Mais quelle est cette langue ? Wajdi nous a  habitué (sauf peut-être avec Seuls) à des textes fleuves construits autour d’une intrigue multiple, avec une langue qui hurle et qui parle trop parfois, mais qui tente d’exprimer un état d’être, une langue poétique qui dérive vers des rivages chaotiques. Cela ne plaît pas à tous, soit. Mais c’est une langue vivante. Maladroite peut-être, mais vivante. Avec Temps, Wajdi nous parle une langue morte. Sans nerfs. Lente. Et dédoublée. Par exemple, la parole est prise en russe puis traduite en français. Ou encore dans la langue des signes et à nouveau traduite. Et pourquoi s’encombrer d’autant de langues justement ?

Je m’explique. L’histoire est simple. Une fille et son père malade vivent dans une ville du nord du Québec, Fermont, où les habitants demeurent à l’intérieur d’un « mur écran » qui à été construit pour protéger la ville des vents violents. Il fait froid. La ville est envahit par les rats. La fille –muette- à écrit à ses frères exilés depuis des décennies. La joyeuse famille réunie, ils vont tenter de comprendre les raisons de leur séparation et celles qui ont poussées leur sœur à vouloir communiquer avec eux. Bon. Je vous épargne les détails. C’est pas joyeux. Mais on sait dès le départ se qui se trame. Et tous les éléments s’enchaînent par la suite comme dans un mauvais film de série B. Il ne faut pas sans cesse et toujours raconter la même histoire. Tout ce qui faisant sens dans les autres pièces de Wajdi, du moins pour moi, n’en a plus aucun ici. C’est beaucoup trop. Trop de conflits familiaux. Trop de symboles. Trop d’éléments redondants. Ce n’est pas le sujet qui pose problème. C’est du Wajdi, on sait que ça sera pas une comédie musicale.

Il y a une difficulté de communication. Et ici,  c’est flagrant. La fille est muette. Elle a donc une interprète. Quand le frère exilé en Russie débarque, il rapplique avec son interprète. (D’ailleurs, les deux interprètes vont finir ensemble. Un Happy-end ridicule). Donc, si on résume : on parle le langage des signes, français et russe sur scène avec des surtitres en allemand et en anglais. Pourquoi tant de complication ? C’est lourd. Et chacun des mots est prononcé dans un français étrange qui n’existe pas. La langue est vide. Le rythme est lent. Les personnages ne font rien. C’est long. Et surtout, tout est joué d’avance. La communion n’a pas lieu.

Ah, pis les poupées Russes… Ah, pis les rats… Ah, pis l’isolement… C’est ben trop gros. Souligné. Et en gras. Un critique allemand à écrit à propos de la pièce : « Meterdicke Symbolik » (symbolique d’un mètre de profondeur) et termine par : « Das ist Schmonzes ». Je suis pas certaine de comprendre à 100% ce mot, mais je ne pense pas que ce soit très positif.  C’est quand même assez paradoxal que la pièce la moins réussie que je vois depuis que je suis partie soit une pièce québécoise. Dommage.

Mais vous pouvez visionner la conférence de presse pour Temps ! Entendre Wajdi parler c’est toujours un pur délice. 


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