Au Maroc, les "négociations" pour un changement politique se heurtent à un dogme : la monarchie. Bien que le roi Mohamed six ait déclaré que la réforme constitutionnelle ne manquera pas de consolider le rôle du parlement et des partis politiques, la monarchie constitutionnelle et parlementaire dans le pays maintient sa main mise sur l’échiquier politique, causant un clivage important dans les rangs de l’opposition politique ainsi que dans la population qui décidément redoute que le mouvement ne s’oriente vers un plébiscite contre la monarchie, un sentiment qu’on retrouve aussi bien chez l’ancienne génération que parmi les plus jeunes et qui génère des doutes quant à l’origine de cette perception. Ce sentiment est t-il orchestré voire carrément manipulé par le royaume chérifien afin de maintenir son règne sur le Maroc ?
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LAISSEZ MARCHER, LAISSEZ FAIRE…
La réaction du régime marocain envers les manifestations qu’ont connues les grandes villes du pays tels que Rabat, Tanger et Casablanca fut mesurée, calculée même puisque anticipée. L’effet surprise qui a fait tomber les régimes tunisien et égyptien, ne figure pas dans la liste des éléments déstabilisateurs que compte l’action contre le souverain chérifien. Le pouvoir a su inhiber les tentions sociales et la fougue de la jeunesse qui veut "faire comme les voisins" dans le cadre d’un phénomène d’imitation avéré. Conscient des effets nocifs d’une répression policière, le roi a donné des ordres clairs de "laisser les citoyens s’exprimer" et les pouvoirs publics s’en sont tenus à cette maxime, de quoi narguer l’opposition marocaine qui tente de démontrer l’hypocrisie du régime et son attitude magouilleuse face à des requêtes populaires des plus légitimes, dénonçant une monarchie autocratique et une démocratie de façade.LES SABLES MOUVANTS DU SAHARA
Dans une interview publiée par le quotidien espagnol El Pais*, le prince Moulay Hicham, surnommé le "prince rouge" à travers ses critiques de la monarchie, a estimé que si le "Maroc n'a pas été encore atteint" par la vague de contestation sociale et politique qui secoue les pays arabes, il "ne sera probablement pas une exception". La déclaration du prince, troisième dans la ligne de succession au trône alaouite, prédit le renversement de la monarchie dans un future proche au Maroc.Hormis cette déclaration alarmiste de la bouche du cousin germain du roi, le régime reste hermétique et les sorties médiatiques des responsables marocains sont consacrés à des thèmes classiques tels que la question du Sahara occidental, récupérée une énième fois à des fins de propagande, l’épouvante RASD est agité afin de prévenir toute action anti-pouvoir, et de détourner l’attention des problèmes internes. Même si le pouvoir marocain n’est pas le seul à s’adonner à ce genre de diversion politique, puisque cette pratique est devenue aujourd’hui une règle en politique testée et approuvée par les plus grandes démocraties du monde, dans le cas marocain, ce qui interpelle c’est l’aspect caricatural voire fantastique des scenario avancés lorsqu’il s’agit de la RASD, susceptible de générer un effet inverse, subversif en cas de récupération d’un tierce acteur (opposition marocaine, une main étrangère, etc.…)
Pour conclure, il est judicieux de dire que le peuple marocain, comme tout peuple du monde, mérite d’être mieux estimé, et que le pouvoir marocain devrait canaliser son énergie pour bâtir un régime politique stoïque, sur des bases constitutionnelles et institutionnelles solides et des soubassements populaires qui tiennent compte de la richesse culturelle et de la dimension historique et religieuse de ce peuple, d’autant plus qu’il est relativement aisé de concevoir une vraie monarchie parlementaire démocratique au Maroc, où le trône trouverait toute sa place et sa légitimité sans devoir politiser ces sentiments nationalistes, ni utiliser des arguments de légitimité dynastico-religieuses qui sont sans doute importants pour l’identité nationale marocaine mais réversibles lorsque l’enjeu est d’aspirer à une vie meilleure.
* (Entretien réalisé par IGNACIO CEMBRERO, El País, Madrid, 31 janvier 2011)
Ali Belhouchet, le 21/03/2011