On peut décemment se demander si le Président de la République Française n’est pas cocu. Certes, il n’a pas gagné à l’euromillion (comme personne, du reste) — encore que ses émoluments pour ses gesticulations puissent s’y apparenter — mais il bénéficie actuellement de circonstance incroyablement favorables…
Mmmh.
À la réflexion, le déclenchement d’hostilités ouvertes avec la Libye et la perspective de plusieurs dizaines de milliers de morts suites aux catastrophes japonaises ne peuvent pas être appelées des « circonstances favorables » à moins de faire preuve d’un cynisme assez débridé.
Il n’en reste pas moins que le président français a réussi, avec ces deux événements historiques et simultanés, à se frayer un chemin au milieu des gouttes de chiasse politique qui dégringolaient vigoureusement à l’approche des cantonales.
Disons-le clairement : grâce à la Libye et au Japon, Sarkozy a presque fait oublier, pendant quelques jours, les trolls baveux qui trottinent en slip dans les couloirs de l’Élysée et de Matignon. C’est une performance. C’est d’ailleurs l’excuse en béton armé que ressortiront les socialistes de gauche pour tenter d’expliquer pourquoi ils n’ont pu capitaliser (médiatiquement parlant, s’entend) sur la déroute des socialistes de droite aux cantonales : le salaud a bénéficié d’une actualité toute acquise à l’étranger, voyons !
Bilan des courses : les cantonales ont peiné à mobiliser un électeur sur deux. Ce qui permet de continuer sur ma remarque déjà valable lors des Régionales en 2010 : le premier parti de France, et de très loin, est celui des gens qui en ont, finalement, plus qu’assez de ces clowns à roulettes qui prétendent le temps d’une campagne résoudre leurs problèmes et s’amusent, le reste du temps, à leur en créer de nouveaux.
Non seulement les gens n’ont rien eu à faire de ces cantonales, mais c’est maintenant une donnée acquise dans le spectre politique : les politiciens s’agitent en roue libre, une catégorie d’indécrottables naïfs ou des profiteurs continuent de voter histoire de faire tenir un semblant de légitimité au bousin et tout continue comme si de rien n’était.
C’est tellement vrai qu’aucune « grande » chaîne de télé n’a organisé de messe médiatique à laquelle on avait pourtant droit il y a encore quelques années pour tous les scrutins nationaux. Rien, nada, que dalle.
Il aura fallu un tremblement de terre magnitude 9, suivi d’un tsunami, de quatre réacteurs nucléaires dans la panade et de l’ouverture d’une nouvelle guerre dans le moyen-orient mais Sarkozy est enfin arrivé à rendre l’expression démocratique française absolument sans intérêt, et à amoindrir ainsi la nullité abyssale de son action.
Chapeau.
Il n’en reste pas moins que le constat est mordant : la plupart des gens se foutent de la politique intérieure et ceux qui votent ne le font plus guère que pour protester. Ni représentatif, ni constructif.
Mieux : cela permet d’occulter l’état économique lamentable du pays. Pourtant, il y a de quoi se faire des cheveux blancs :
- les retraites complémentaires sont, pour le dire gentiment, dans le porridge. Les acteurs s’agitent, pleurnichent et se tortillent les poignets dans des sanglots spasmodiques, mais la dure réalité les rattrape et refuse de se plier au schéma de Ponzi des retraites par répartition : il y a de moins en moins de sous et on vogue gentiment vers la catastrophe.
- il se susurre dans les couloirs de sombres idées que pour renflouer l’état, il faut aller chercher l’argent là où il se trouve. Mais ne vous inquiétez pas, personne n’a pensé aux assurances-vie. Promis, juré, craché. Et les assureurs s’inquiètent évidemment pour rien. Il semble que les Français ont senti les remugles du Léviétathan se rapprocher de leurs petits fromages : en février, la collecte de ces assurances-vie ressort ainsi en baisse de 15%, après deux autres mois de recul, ce qui ne s’est jamais vu avant.
- les taux d’intérêts sur les prêts immobilier continuent de grimper, doucement. Voilà qui va aider le secteur qui en avait bien besoin, tiens.
- d’ailleurs, en parlant de choses qui grimpent, on pourrait aussi évoquer l’inflation. C’est pratique, l’inflation : ça permet de prendre des emprunts (immobilier par exemple) pour rembourser avec de l’argent de moins en moins valorisé. D’ailleurs, ça monte tellement bien qu’en Grande-Bretagne, le taux d’inflation (4%) est maintenant supérieur … à celui du Zimbabwe (3%) ! Mais ne vous inquiétez pas : tout est maîtrisé. Les milliers de milliards de $ et d’€ injectés subrepticement dans les marchés passeront inaperçu. Puisqu’on vous le dit. À tous hasards, achetez tout de même un peu d’or et d’argent. Ça aussi, ça grimpe.
- et puisqu’on parle de petites bêtes qui montent, montent, montent, pendant que la diplomatie franchouille — maintenant célèbre de par le monde pour son sens de l’à-propos — se fritte sans le moindre tact avec le Japon, les Credit Default Swap des dettes souveraines continuent leur ascension silencieuse, pour tous les pays de la zone euro.
Pffiiiou.
Heureusement qu’on peut aller frimer avec nos Rafales en Libye et qu’on peut agiter nos petits bras bien haut en criant « Il faut rapatrier nos ressortissants du Japon ! »
Au moins, on se focalise sur l’essentiel.