A parcourir les blogs sans mobile apparent, je suis ravie de voir combien de jeunes femmes - et de bien moins jeunes comme moi - s'intéressent à la couture, à la création de vêtements pour leurs enfants, à la décoration de leur intérieur et au tricot.
La mode "Bon chic, bon genre" semble s'étendre, quel que soit le milieu social ou culturel, le regard s'affine, les exigences pour le travail fait avec amour aussi.
Des espositions rétrospectives des années où la création ne relevait pas que de la réminiscence, comme celle de Dior au Bon Marché ou l'extraordinaire exposition Yves Saint Laurent au Petit Palais, me font penser que tout n'est pas perdu et que nous allons sortir "par le haut" de l'effroyable style punk-breloques-sac-stilettos provoquant, importable et laid des dernières années.
Plus j'avance en âge, et plus je me rends compte que toute ma vie, je me suis habillée - ou du moins j'ai essayé - dans un certain style. Et ce style : tissus secs, tailleurs sombres, jupes entravées, pantalons et costumes un brin masculins, chemisiers fluides et pulls en twin-set avec foulard de soie, c'est le style des années d'après guerre, celui des jolis mannequins croqués par René Gruau et que j'apercevais lorsque a mère achetait un magazine de mode.A la maison, c'était plutôt Le petit Echo, Modes et Travaux, le Jardin des Modes que ELLE. Maman avait beaucoup grossi après ma naisssance et éprouvait de grandes difficultés à s'habiller "en confection" comme on disait à l'époque. Pour les grandes occasions, elle devait aller chez une couturière à domicile. Si, si, cela existait à l'époque : on apportait son tissu et on choisissait son modèle sur l'Officiel ou Vogue. Et puis nous avions une cousine très proche, Line, qui était Première main chez Fath, puis chez Givenchy. Elle partageait sa vie avec Monique, Seconde de l'atelier, celle qui coupe et distribue le travail aux ouvrières. J'ai donc très tôt été baignée dans cette atmosphère de travail artisanal de très haut niveau. J'étais en particulier émerveillée par le dessous d'un col tailleur, entièrement fixé à points en diagonale par une toile de lin relativement rigide. Aujourd'hui encore, je sais coudre une ceinture de jupe "en forme", la recouvrir et la fixer à points invisibles...
En fait , ma silhouette rêvée, lorsque j'avais quarante ans, c'était le long pantalon à pinces de Lauren Bacall et sa jaquette pied-de-poule très près du corps....
Bref, tout ça pour me réjouir de voir réapparaître notamment pour les enfants un style dépouillé, Intemporel comme le dit si bien Astrid Le Provost mais initié il y a déjà longtemps par Bonpoint, avec des matières fluides, des étoffes de première qualité, des imprimés discrets dans des tons étouffés (Liberty, quand tu nous tiens...), des modèles de tricot dans des fils arachnéens et des points de base si adaptables (vive le point mousse).Je me dis que les petites filles d'aujourd'hui, qui ont neuf ou dix ans, et même moins, vont à leur tour s'imprègner de ce style "chic" et sobre. Qu'elles cesseront de vouloir ressembler à leur poupée Barbie, maintenant relookée par les plus grands designers, qu'elles adopteront un mode de vie plus conforme à la nécessité de préserver l'environnement et privilégiant les matières naturelles...et qu'elles feront cesser cette longue parenthèse du mauvais goût contre laquelle, moi, vieille grand-mère acariâtre, je m'élève.