Correspondante de Guerre (Collignon & Nivat)

Par Mo

Nivat - Collignon © Soleil Productions - 2009

Correspondante de guerre parle de l’expérience d’Anne Nivat en tant que journaliste lorsqu’elle s’est rendue en Tchétchénie entre 1994 et 2004. Alors qu’elle travaillait pour une Agence de presse russe, elle est allée à la rencontre des populations tchétchènes pour témoigner de leur vécu.

Loin de la recherche du scoop sensationnel, elle nous fait découvrir la vie d’hommes et de femmes victimes de la guerre.

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Cet ouvrage est né de la rencontre entre Anne Nivat et Daphné Collignon. Ces deux femmes partagent le même besoin de voyager et d’observer l’Autre. Elles relatent leurs expériences via des réseaux et des supports différents. Aussi, dans ce recueil, est-il logique qu’elles retranscrivent leurs parcours à l’aide de style narratifs et d’ambiances graphiques distincts. Un étrange contraste qui témoigne de la richesse de leur rencontre et montre à quel point leurs tempéraments sont dissemblables. Tout au long du récit, elles se renvoient la balle avec leurs souvenirs respectifs. Trois univers matérialisent ce va et vient :

- les propos de Daphné Collignon prennent la forme d’un carnet de voyage. Ecrite à la première personne, cette longue lettre manuscrite contient confidences, souvenirs de voyages et réflexions personnelles/professionnelles. Des illustrations dans des tons sépia accompagnent ses propos et croquent des scènes du quotidien ou des portraits d’hommes et de femmes croisés à l’occasion d’un voyage au Maroc. La prose semble volontairement introspective et le dessin est contemplatif. Avec sincérité, elle  y met en mots ses émotions et parle de sa rencontre avec Anne Nivat.

J’écoutais avec avidité cette femme à la radio – parler de sa volonté de prendre le temps – ce refus de la vitesse, du positionnement. Parler des gens, de ses histoires avec eux, d’hommes, de femmes, d’enfants, de vies qu’elle retrouvait (…). Peut être est-ce cela qui m’a conduit à rencontrer Anne. Un autre genre d’émotion. Quelqu’un qui, peut-être, pourrait éclairer un peu la route, comme une porte ouverte sur ces mondes lointains et ces guerres, si difficiles à comprendre.

- l’atmosphère qui se dégage souvenirs d’Anne Nivat est plus austère. Le dessin est cru, sombre et s’appuie sur les jeux de regards. Le ton est direct et sans concessions. Une police de caractère dactylographiée ôte toute chaleur aux propos tenus par la journaliste. Pourtant, c’est avec spontanéité qu’elle relate quelques souvenirs, témoigne des amitiés qu’elles a tissées et des propos qu’elle a recueillis. Des mots qui claquent, qui marquent et une impressionnante capacité à prendre du recul et à relativiser. En pleines pages, quelques morceaux choisis de ses livres sont insérés : des extraits de Bagdad Zone Rouge (qu’elle finalisait à l’époque, l’ouvrage a été publié chez Fayard en 2008) et de Chienne de Guerre (publié chez Fayard en 2000).

Et je me pris à penser que si, après des années de journalisme classique, elle s’était tournée vers les LIVRES, c’était bien pour laisser la place à tous ces gens dont les voix étaient trop fortes, trop vivantes, trop multiples… Et les vies parfois trop banales, pour trouver leur place dans un simple reportage.

- et enfin, les planches de la rencontre des deux femmes dans un bar parisien en décembre 2007. L’album se recentre régulièrement autour de cette scène. Le dessin est épuré, sans fioritures et dans des tons neutres. Une découpe classique des planches au format bédé.

Elle parla des sorties de crèche, avec les autres mamans, de ce rôle étrange à jouer d’un quotidien paisible, de ce besoin pressant de repartir, nourri d’un sentiment qui m’apparut quasi claustrophobique. Le problème ne semblait cependant pas être qu’il ne se passait rien ici, mais bien plutôt qu’on ne sentait pas qu’il se passait des choses ailleurs.

Les premières planches de l’album sur Digibigi.

Un album poignant, d’une grande qualité. L’occasion de découvrir la réalité d’une grande reporter : ses convictions, son rythme de vie et sa difficulté à gérer le décalage entre la banalité de sa vie en métropole et l’agitation de la vie de reporter.

Deux interview de Daphné Collignon réalisées à l’occasion de la sortie de l’album : celle de Sceneario (février 2009) et celle de Bodoï (mars 2009).

Des articles sur cet album : Rue89, Cyberpresse, PointG Magazine, Mediapart.

Extraits :

« Petit coin de vent, de sable et de soleil. Univers paisible et paradoxal, où les guides enturbannés dans les 4×4 côtoyaient les bergers en charrette et où les femmes, enveloppées d’immenses tissus aux couleurs vives, observaient d’un œil curieux le passage (parfois) dénudé des étrangères. Un entre-deux assez étrange, où tous les clichés alors en vogue en France se trouvaient représentés : voiles, islam dit modéré, Al  Jazeera dans tous les postes de télévision… J’avais évidemment été choquée par un certain nombre de coutumes. Choquée, aussi… Par toutes ces mères et épouses que je voyais faire ce que les femmes de mon pays avaient décidé de reléguer aux oubliettes ; moi qui n’avais presque jamais mis les pieds dans une cuisine… Moi qu’on avait élevée à être libre, indépendante, et que la seule idée de rester à la maison rendait hystérique » (propos de Daphné dans Correspondante de guerre).

Correspondante de guerre

One shot

Éditeurs : Soleil et Reporters sans Frontières

Dessinateur : Daphné COLLIGNON

Scénaristes : Anne NIVAT & Daphné COLLIGNON

Dépôt légal : mars 2009

Bulles bulles bulles…

Correspondante de Guerre – Nivat – Collignon © Soleil Productions – 2009
Correspondante de Guerre – Nivat – Collignon © Soleil Productions – 2009
Correspondante de Guerre – Nivat – Collignon © Soleil Productions – 2009