Andrew Wyeth. Christina's world
J’aimerais qu’il demande un café noir sans sucre plutôt qu’un alcool et il ne fumerait pas. Cet homme ne serait sur mon canapé qu'en raison de ma déréliction, pourtant j’essaierais d’apercevoir dans l’épaisseur de sa braguette la taille approximative de son sexe. Je me serais assurée d’unminimum de richesse intellectuelle au fil de notre relation épistolaire et je rirais poliment de ses bons mots, déjà et un peu amoureuse afin de me délester de quelques fragments de vertu. J’aurais l’impression d’être une prostituée s’il se lavait chez moi "avant". Je regarderais la lenteur de ses doigts, l’hygiène de ses mains, la longueur de ses ongles. Je n’aimerais pas qu’il me fouille. Je n’admettrais ses initiatives digitales qu’en appoint de sa langue. Il faudrait qu’il s’abstienne des gestes techniques de pseudo-spécialiste. Qu’il soit seulement l’interface docile de mes pensées avec juste un peu de maladresse. Dans l’inconnu de ses manières et de sa durée, je tenterais discrètement de jouir une ou deux fois peut-être avant qu’il ne me rejoigne. Je garderais le plus longtemps possible son sperme entre mes cuisses et son odeur dans mes draps mais je n’aimerais pas qu’il s’attarde. Il partirait dans mon sommeil après avoir déposé un baiser au creux de mes reins, un dernier dans la nuque en me recouvrant de la caresse de l’édredon sans m’éveiller. Il faudrait qu’il oublie son tee-shirt. Nous nous reverrions le long de quelques mois au rythme de ses pulsions mais plutôt ailleurs, dans des endroits plus neutres que ma demeure. Puis je le regarderais prendre des habitudes et se détacher de moi lentement. Je me réfugierais dans la sagesse des femmes orientales : « Je t’obéis, mais c’est de moi que te viens ce pouvoir ».
Dans la petite musique du renoncement je m’acagnarderais dans l’abandon, mon fidèle fauteuil et je conserverais son tee-shirt.
Puis j’écrirais comme on s’expose au soleil brulant.
J’ai longtemps cru que le luxe était dans les voyages et les villas en bord de mer. Je sais désormais qu’il en est un seulement : être aimée.
Innocente et nue, j’écrirais comme on se brûle.
"Justine, infortune de l’amant." Vanessa Dick. Baurech le 20/03/2011
wind from the sea.