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Si vous vous demandez où j'étais ces deux derniers jours, voici la réponse toute simple: j'étais au Festival des Migrations, 28e de ce nom. C'est devenu une tradition, une habitude, pour moi, comme pour tant d'autres personnes. Il y a des visages amis que je ne revois qu'à cette occasion, d'une année à l'autre. A chaque fois, on se salue, souriants, et on se dit la même chose: "bon sang, comme le temps passe vite, j'ai l'impression c'était hier..."
Comme depuis quelques années déjà, j'ai été l'un des très nombreux bénévoles du Festival. Pour ce qui me concerne, j'ai pris des photos; je n'étais pas le seul, d'ailleurs, nous étions quelques photographes, occupés à déambuler dans les halls de Luxexpo, depuis l'espace Salon du livre jusqu'à la scène où se déroulaient les spectacles, en passant par des centaines de stands de toutes les couleurs, de toutes les saveurs et de toutes les musiques.
Evidemment, il y en a eu des images à cueillir! Le Festival est une grande occasion pour les différentes communautés vivant au Luxembourg d'exprimer leur culture et leur joie de vivre. Et de se faire prendre en photo. Ces deux jours de camaraderie, de convivialité, de dialogue interculturel, c'est quelque chose de très beau à vivre. C'est peut-être une douce utopie, mais c'est déjà si bon de croire à cette utopie deux jours dans l'année.
Parmi les très nombreux rendez-vous du Salon du Livre, il y a en a un qui m'a particulièrement intéressé, c'est la conférence de l'écrivain portugais Gonçalo M. Tavares, hier samedi à 17h. J'ai eu, en effet, le privilège de participer à l'aventure du livre "Pedra" , en m'occupant, conjointement avec Alain Wallon, de la traduction des poèmes vers le français. Par ailleurs, le livre comprend également une traduction en luxembourgeois par Guy Berg. Tout notre travail a par ailleurs été chapeauté et coordonné par António Gonçalves. Il en a résulté une très belle publication éditée par le CLAE et les Amis du 25 Avril, avec en couverture une superbe pierre "féminine" photographiée par Andrés Lejona.
Il y a quatre mois, je ne connaissais pas Gonçalo M. Tavares. Grâce au CLAE, et grâce à Paca en particulier, j'ai découvert un auteur hors-pair, et je me réjouis de suivre son parcours futur. Outre les poèmes qu'on m'a confiés, j'ai entre-temps lu les deux livres "Jerusalém" et "Aprender a rezar na era da técnica": tous les deux, des lectures tourbillonnantes, terribles par moment, étranges souvent, j'ai pensé à d'autres auteurs que j'aime bien, Kafka, Kundera ou encore Bunuel (le réalisateur de cinéma).
La conférence a été passionnante. Je note, vite fait, quelques-uns des points qui ont été évoqués.
Il y a quatre siècles, certaines personnes étaient disposées à voyager des semaines pour aller voir, à l'autre bout de l'Europe, un tableau d'un grand maître : Quand ils avaient enfin cette image devant les yeux, ils la contemplaient longtemps, très longtemps... Aujourd'hui, les images déferlent sur nous à tout moment, par centaines, par milliers. L'une chasse l'autre, et nous sommes constamment en train de "zapper", parce que nous pensons que c'est toujours la prochaine image qui sera la meilleure.
Il nous faire force sur nous-mêmes, nous obliger à marquer un temps d'arrêt, voire deux temps d'arrêt. Le mot "reparar" en portugais pourrait être interprété par cet arrêt effectué en deux temps. Il est salutaire de refuser la super-abondance de la consommation. Concentrer veut dire fixer la pensée et le regard pendant un temps sur un seul centre, une seule occupation. C'est la seule façon de résister contre l'abrutissement causé par la dispersion de l'esprit.
La question de la naïveté. Pour Gonçalo Tavares, la naïveté est plus à craindre que la méchanceté. Beaucoup de personnes naïves peuvent agir en étant dans ignorante complète du mal qu'elles sont en train de commettre. La lucidité est la qualité qu'il faut cultiver chez les êtres humains.
A un moment de la conférence, le débat s'est porté sur la question de la responsabilité par rapport à un mal commis. En relation, par exemple, à l'extermination de millions d'innocents en Allemagne, au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Ces crimes ont pu être exécutés sur ordre d'un groupe de personnes viles. Mais ils n'ont pu être effectués que parce que les masses sont restées silencieuses, indifférentes, ne voulant même pas savoir ce qu'il en retournait.
Un thème extrêmement complexe, qui a donné lieu à d'intéressantes réflexions.
A noter que dans le livre "Aprender a rezar na era da décnica", on suit le cheminement d'un personnage proprement odieux, qui, petit à petit et avec le cynisme le plus total, ourdit un plan pour arriver à prendre le pouvoir sur les gens et les contrôler.
Un parallèle a été établi entre le poème "Mar" et la catastrophe terrible qui s'est produite la semaine dernière au Japon. "Ne t'étonnes pas devant les machines, devant des inventions de dernière minute.
Incroyable est la quantité d'éléments qui n'obéissent pas encore aux hommes."
Pour Gonçalo M. Tavares, la nature mérite tout le respect de l'homme. Celui-ci ne doit pas s'imaginer que le progrès technologique le rendra plus fort que la nature.
Les croyances religieuses sont plus circonspectes par rapport aux pouvoirs immenses et insoupçonnés de la nature que la science rationnelle et sûre d'elle.