L’apprentissage de l’art !
Passer de « Pour l’Empire » à un récit sur le ballet est une pirouette artistique qui en ferait trébucher plus d’un. Bastien Vivès, étoile montante et grand fidèle du label KSTЯ de Casterman (« Le Goût du chlore« , « Elle(s) » ou « Hollywood Jan »), s’en sort cependant avec brio. L’auteur invite à suivre l’émancipation artistique et personnelle d’une danseuse russe en devenir. Étalé sur une vingtaine d’années, le parcours initiatique de Polina (librement inspirée de la danseuse Polina Semionova) est parsemé d’embûches et d’émotions. Dans les coulisses d’un monde fait de rigueur, d’espoirs et de souffrances, Vivès explore les préoccupations, les choix et les passions de cette artiste en devenir. À travers la danse, il s’aventure sur les chemins de la création et propose sa vision de l’art et de son apprentissage. Au cœur d’un récit tout en mouvement, il développe une relation empreinte de respect entre la disciple et son maître. Alors que l’élève gagne en maturité au fil des pages, le mentor, lui, au détour d’une phrase ou d’une remarque, parvient à raviver la flamme artistique, à insuffler le feu et à provoquer ce déclic qui fait progresser au-delà du talent.
Le ballet graphique proposé par l’auteur semble d’ailleurs faire écho aux paroles éclairées du professeur Bojinski : « Les gens ne doivent rien voir d’autre que l’émotion que vous devez faire passer. Retenez bien ça, Polina. Si vous ne leur montrez pas la grâce et la légèreté, ils ne verront que l’effort et la difficulté. ». Usant d’un dessin noir et blanc, rehaussé de gris, et d’un trait qui épouse la grâce des ballerines russes, il donne vie à des protagonistes qui allient souplesse et esthétisme. Délaissant tutus et autres fioritures, il propose une mise en scène efficace et élégante, qui véhicule parfaitement la sensibilité du récit et des personnages.
Arrivé à la fin du spectacle chorégraphique, ce n’est pas une ovation qui retentit, non… pas directement, car il y a d’abord ce moment de silence qui s’accapare de la salle lorsque l’art laisse sans voix !
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