A propos de Route Irish de Ken Loach 3 out of 5 stars
Liverpool, 2004. Fergus, ancien des SAS, dirige une société d’agents de sécurité en Irak. Un jour, il apprend le décès de Frankie, un membre de son équipe, dans une embuscade à Bagdad. Fergus ne peut accepter la version officielle de la mort de Frankie, qui était aussi son meilleur ami. Il décide de mener sa propre enquête…
L’histoire de Route Irish, nom de la route qui mène de l’aéroport de Bagdad à la Green zone (zone internationale) et réputée comme la plus dangereuse au monde, s’inspire d’une histoire vraie. Le retour de la dépouille d’un agent anglais de sécurité tué dans une embuscade à Bagdad. Comme ce soldat était membre d’une compagnie privée, aucun hommage ni cérémonie ne lui furent rendus par l’Etat anglais.
Route Irish s’ouvre sur cette première critique en pointillés de Loach. Le réalisateur anglais, connu pour ses charges sociales et politiques, s’en prend cette fois au « business » très lucratif des sociétés privées (anglaises et américaines) de sécurité en Irak, qui ont rapporté des millions à leurs dirigeants. Loach évoque notamment l’ « ordonnance 17 », décret voté par l’Etat provisoire irakien (2003-2009) et donnant l’immunité à tous les agents privés étrangers officiant dans le pays.
Route Irish, construit comme un thriller politique, ne brille pas pour son suspense. On sait dès les premières minutes du film que quelque chose « cloche » dans la mort de Frankie, ancien para. L’ami de Fergus, témoin d’un massacre commis « par erreur » par son escadron sur une famille irakienne, ne pouvait plus vivre avec ce secret. Il avait non seulement les preuves de ces atrocités et de cette « bourde », mais il menaçait de les dévoiler. Et a refusé son exfiltration en Afghanistan comme il est coutume de le faire pour des agents au cœur d’une polémique compromettante pour les contrats juteux que leurs sociétés signent avec les états américains et anglais.
C’est ce que le film raconte, construit comme un long flash-back sur les évènements qui ont amené à l’embuscade fatale à Frankie. Filmé du point de vue de Fergus, Route Irish ne choisit pourtant pas de revenir sur les souvenirs et les liens intimes qui l’unissaient à Frankie. Si le film s’ouvre sur une image de jeunesse de Frankie et Fergus, Loach ne consacre qu’une scène où Fergus se souvient du jour où il a proposé à Frankie de s’engager avec son équipe en Irak, vantant le salaire astronomique qu’il gagnerait ; 10 000 euros net d’impôts par mois !
Les vrais souvenirs de Fergus sont ceux des morts de civils irakiens innocents (images d’archives) qui reviennent hanter sa mémoire. Route Irish est un film violent mais qui reprend des faits prouvés, un pamphlet sans échappatoire ni pour le spectateur ni pour Fergus. Il dévoile in extenso les exactions commises par les soldats anglais et surtout américains sur une population de civils irakiens innocente et terrorisée. Une « barbarie ordinaire » organisée sans laisser de traces (« no blood, no fault »).
Comme souvent avec Loach, la mise en scène est sèche, la démonstration pas toujours subtile mais réaliste. Plutôt en forme, Loach n’enfonce -t-il pas pourtant des portes ouvertes avec ces images récurrentes d’archives montrant des civils en sang (femmes, enfants) victimes de bombardements hasardeux ?
La scène de torture de Nelson est dérangeante mais surtout à la limite du complaisant. Pourtant, jamais Loach ne tombe dans le pathos. Sa mise en scène est rigoureuse. Sa charge, précise et cinglante, ne laisse rien au hasard ni de répit aux protagonistes de l’histoire. Les PDG pourris des sociétés de sécurité payeront comptant l’addition. Fergus, rongé par la culpabilité et le remords mais en militaire droit et courageux, se chargera lui-même de sa sanction. Pif, paf, poum. Pesé, emballé. Efficace, vous avez dit ?
www.youtube.com/watch?v=CJIY5qUspC0