Pourquoi ai-je du mal à franchir le périphérique, à programmer une visite dans un des nombreux centres d’art d’Ile de France (alors que Venise, Madrid ou Sarreguemines sont la porte à côté) ? Je regarde avec tristesse les invitations à voir des expositions en banlieue qui restent sur mon bureau sans suite : indécrottable parisianisme vont s’exclamer mes plus ou moins aimables commentateurs*. Mais je sais aussi prendre le RER E et aller à Noisy-le-Sec (avant le 23 avril) pour l’exposition Le Monde Physique. Parmi les quatre artistes présents, l’un (Rodolphe Delaunay) installe des outils et mécanismes détournés, comme des lames de parquet en bois exotique disséminées dans la galerie, à peine perceptibles et nous renvoyant aux pays lointains d’où ces bois proviennent ; une autre (Anne Tallentire) projette des déambulations londoniennes dans une carte céleste.
Julie Béna présente des photographies satellitaires d’un port indonésien où apparaissent des fantômes de bateaux reposant au fond de l’eau, à peine distinguables des vrais navires en surface, questionnant notre perception, avec de très belles images mystérieuses (’Marines’).
Si Estefania Penafiel Loaiza présente une série de cartographies iliennes (’une certaine idée du paradis’) qui ne sont en fait que des tas de cendres provenant de la combustion d’un papier (et une vidéo au sous-sol, remontant le temps, montre la renaissance de ce bout de papier à partir de ses cendres), sa pièce la plus intéressante ici est, comme souvent chez elle, invisible : dans la médiathèque voisine sont disséminées dans des dizaines de livres des petits ‘prières d’insérer’, feuilles de papier sur lesquelles est inscrite une citation d’un écrivain, citation en rapport avec le voyage, le déplacement, et dont les lettres s’estompent au fil des lignes, devenant quasiment illisibles. Les lecteurs, empruntant un livre à la bibliothèque, découvriront parfois ces prières d’insérer, et sont invités à les replacer dans un autre livre, à les faire circuler, voyager. Ce travail sur le déplacement et sur la latence m’a -comme toujours- beaucoup plu.* Ceci dit, vous pouvez toujours tenter de trouver dans vos journaux ou sur vos blogs favoris qui d’autre est allé voir cette exposition et ne s’est pas contenté de reproduire le communiqué : bonne recherche !