the Rite
Un film de Mikael Hafstrom(2010), « inspiré de faits réels », avec Colin O’Donoghue, Anthony Hopkins & Rutger Hauer
Genre : Horreur, drame psychologique
Date de sortie en salles : 09/03/2011
Séance de 14h15. VF.
Résumé : Michael travaille avec son père dans l’entreprise de pompes funèbres familiale. A la fin de sa scolarité, il choisit le séminaire, tout en continuant à se poser des questions sur sa foi précaire. Malgré des résultats brillants, il se prépare à démissionner ; son mentor décide de l’inscrire dans un stage spécifique au Vatican : on s’y familiarise avec la pratique de l’exorcisme. Devant son rationnalisme et son attitude abrupte, son professeur le met en contact avec le père Lucas, un prêtre exorciste anticonformiste, qui officie depuis des années…
Une chronique de Vance
Comment manquer le Rite ? Impossible. D’abord parce que depuis l’Exorciste, et sans doute avant, ces histoires avaient le don de remuer quelque chose au fond de moi, quelque chose de malsain, de vraiment inconfortable, générant des échos lointains de peurs ataviques. Ensuite, Warner avait eu l’élégance opportune de gratifier nombre de blogueurs cinéphiles d’un coffret empli d’éléments liés de près au rituel catholique proprement dit – de quoi satisfaire le pauvre geek que je suis, et entretenir l’impatience. Enfin, quelques anciens élèves avouaient avoir été terrorisés par le visionnage en salles.
Ah, et n’oublions pas Anthony Hopkins !
Bref, je ne pouvais pas manquer ça.
Le Coin du C.L.A.P. : une bonne cinquantaine de pages de la Chute des géants, premier volume (et vrai pavé) du dernier Ken Follett, le Siècle. C’est bon d’arriver en avance, de choisir savamment son siège (au sommet d’un triangle isocèle pour mieux profiter des réglages de son optimaux) et de s’y installer tranquillement avec un livre ! En outre, j’en suis à stade où le livre s’avère à la fois passionnant (la Première Guerre mondiale est sur le point d’éclater et on assiste aux tergiversations des dirigeants partagés entre pacifistes lucides et impérialistes forcenés) et exaspérant (les histoires d’amour, quoique torrides, semblent traitées avec une certaine désinvolture, comme des passages obligés, conférant une grande artificialité à la construction du roman – et que dire de ces coquilles indignes d’un ouvrage de ce prix !).
Bon. Zut, quoi.
Pourtant, ça démarrait plutôt bien. Je veux dire, on sentait dans la première demi-heure, bien que longue et lente, une narration privilégiant l’état d’esprit d’un jeune homme bien fait de sa personne mais coincé dans une tradition familiale dont il ne trouve pas l’issue. Il doit choisir soit le séminaire, soit la reprise de l’entreprise paternelle et on le voit poser sur les courbes avantageuses des jeunes femmes qu’il croise un regard appréciateur nanti d’un certain regret. On devine une histoire compliquée avec son père, et un souvenir nous en apprend un peu plus sur sa mère disparue. Quatre ans de séminaire, des résultats impressionnants et son doute n’a pas cédé un pouce de terrain. Au point qu’il choisit de quitter les études, ce à quoi s’oppose son professeur, qui voit un tel potentiel en lui qu’il a recours à un certain chantage pour le convaincre de suivre une formation particulière à Rome : celle d’exorciste. Toujours nanti de sa foi évanescente et désormais d’une certaine morgue presque irrespectueuse, il se fait vite remarquer comme étant « l’Américain sceptique ». C’est alors qu’on lui présente le père Lucas.
Et très vite, le voilà confronté au premier exorcisme : une jeune fille enceinte, qu’un démon torture.
Cette partie est de loin la plus intéressante car porteuse d’un certain espoir latent, celui d’enfin voir portée à l’écran une alternative réussie au chef-d’œuvre de Friedkin. Récemment, l’Exorcisme d’Emily Rose avait constitué un travail honnête plein de bonnes intentions, transformant le film d’horreur pure en un film de procès malin. Pas évident en effet de se débarrasser du poids de l’Exorciste : bien souvent on n’a droit qu’à un misérable succédané, ou à une pauvre parodie. Boorman et Blatty avaient pourtant cherché à explorer de manières radicalement différentes l’univers construit autour du film original, avec des résultats intéressants à défaut d’œuvres abouties. Les deux versions de l’Exorciste : au commencement avouaient le même défaut : de bonnes idées, une exploitation lamentable.
La suite se perd autant qu’elle me perd, cherchant à amasser petit à petit des éléments horrifiques au travers de visions fantasmagoriques, de cauchemars qui tentent de persuader Michael, et nous à travers lui, de l’existence du Mal. On a la désagréable impression que la mise en scène se rend compte de l’aridité de son sujet et se pare de tout ce qu’elle paraissait nier jusque lors : au lieu d’instiller l’angoisse, on décide de nous faire sursauter. Certes, quand le geste à l’écran est en adéquation avec la bande son, bien préparé par la musique, ça marche (et encore, on le voit venir de loin), mais l’ennui c’est que ça ne laisse aucun impact. Quant au choix du dernier possédé, si l’on comprend qu’il est censé générer une tension dramatique supplémentaire, il ne paraît être finalement que la volonté d’en mettre plein la vue et les oreilles, abandonnant toute originalité et perdant beaucoup en intérêt.
Hopkins est un peu à l’origine de ce semi-échec : son personnage calqué sur le père Merrin de la saga susdite (un prêtre exorciste en marge de l’Eglise en raison de certaines expériences traumatisantes) est tour à tour fascinant et agaçant. Il a cette aura particulière lorsqu’il adopte un ton bourru et faussement détaché qui le rend sympathique mais a toujours cette fâcheuse manie d’en rajouter dans les moments de crise (sa crise de larmes à l’hôpital est le premier signe avant-coureur). N’empêche, à lui seul, il parvient à maintenir l’intérêt pour le dernier tiers du film : son regard fait toujours froid dans le dos, et ses expressions conservent une ambivalence hypnotique.
Du coup, O’Donoghue est forcément placé sous l’éteignoir, alors qu’il est censé être au cœur de l’intrigue : le drame existentiel que traverse Michael se mue simplement en scepticisme obtus, et il devient progressivement une sorte de pseudo père Karras. Tous ceux qui gravitent autour de ces deux-là manquent cruellement d’épaisseur (c’est regrettable pour Rutger Hauer qui pour une fois est étonnamment sobre dans les quelques scènes où il apparaît, mais garde pourtant ce magnétisme animal qui lui est particulier). La journaliste ne sert strictement à rien.
Au final, une tentative intéressante (courageuse même, au regard du passif lié au phénomène « exorciste »), pleine de bonnes intentions mais qui soudain les oublie pour adopter une approche qu’elle ironise pourtant au départ (Michael, s’étonnant de la brièveté du premier exorcisme, se voit rétorquer par Lucas : « Vous vous attendiez à quoi ? Du vomi vert et des têtes qui tournent ? » - or, on aura bien droit à ce genre d’excès dans le finale…). En filigrane, on peut y trouver la volonté du Vatican de faire face de manière radicale à la montée du Mal dans le monde – mais aussi de convaincre ceux dont la foi est vacillante car manquant d’étais spirituels. Ceci est un autre des paradoxes du film : au lieu de chercher dans la Bible la méditation et la prière, les éléments qui permettront de renforcer le religieux, on use d’une rhétorique plus primaire en focalisant l’attention sur les péchés et l’emprise du Malin sur le monde. Ainsi, en reconnaissant l’existence du Diable, on ne peut que se convaincre de celle de Dieu. Enfin, en théorie…
Ma note : 2,5/5
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