"Promets-moi", le délire intelligent d'Emir Kusturica

Par Buzzline
 Pitch : Au sommet d'une colline isolée au fond de la campagne serbe vivent le jeune Tsane, son grand-père et leur vache Cvetka. Avec leur voisine, l'institutrice, ce sont les seuls habitants du village. Un jour, le grand-père de Tsane lui annonce qu'il va bientôt mourir, et lui demande de réaliser trois choses. Vendre la vache Cvetka ; acheter une icône en souvenir ; et trouver une épouse... Le jeune Tsane va donc faire son possible pour réaliser les souhaits de son grand-père... Notre avis : Kusturica signe un opus dont la jouissive et apparente folie cache une critrique au vitriol, extrèmement bien menée sur la Serbie, les hommes en général et leurs mauvais penchants en particulier. Un film drôle et intelligent, servi par un talent, une forme et des acteurs d'une rare fraîcheur. C'est toujours avec plaisir que l'on retrouve le sĂŠmillant cinĂŠaste d'Arizona Dream, d'Underground, et de Chat noir, chat blanc. D'ailleurs, dès les premières secondes, on reconnaît le style d'Emir Kusturica, sa frénésie délirante et imaginative, son goût si particulier pour une musique tout aussi... particulière. Et ça nous saisit tout de suite... pour ne plus nous lâcher, durant 2 heures. Ce qui n'est pas rien. Evidemment, sur le moment, ça divertit. On se marre, zygomatiques en action pendant tout le film. Et puis après, on repense un peu à ce qui a défilé sous nos yeux. Flics corrompus, zoophilie, mafia, justice absente (et donc, chacun fait justice soi-même), abondance d'armes à feu, maisons closes accueillant hommes politiques et source de pots-de-vin... Et là, on se demande un peu comment ce film va être accueilli par les autorités locales, en Serbie... On leur souhaite d'en rire ! 

Mais il ne s'agit donc pas uniquement d'un divertissement anodin. Bien sûr, le cinéaste s'autorise quelques dérapages gratuits de délires. Et c'est carrément jouissif. Ça pétille d'idées aussi rigolotes qu'intelligentes. De toute façon, le cinéaste, auteur d'une des scènes les plus délirantes du ciné  (la scène de dîner avec une tortue, dans Arizona Dream, définitivement dans mon top ten des scènes les plus délirantes, après celles de Bunuel) ne peut visiblement pas s'en empêcher. Résultat : on ne s'ennuie pas une minute. C'est déjà ça !

Il y a aussi quelques scènes émouvantes. Le jeune homme dans son initiation (un paysan qui met les pieds pour la première fois dans une ville), devrait provoquer quelques moments d'émotion et de tendresse. Preuve, s'il le fallait, que Kusturica maîtrise aussi d'autres registres d'émotions. A propos des deux acteurs principaux, si au début, le très jeune âge de l'acteur enfant nous a un peu perturbés, finalement, force est de constater que Uros Milovanovic a en fait réalisé une belle performance, très convaincante et surtout, que son âge et sa précocité sont pleinement justifiés. Même fraîcheur pour Marija Petronijevic, ravissante et tout simplement parfaite dans le rôle. 

Synthèse  de la réflexion politique d'Underground, du délire de Chat Noir, chat blanc et du rêve d'Arizona Dream, Promets-moi s'impose comme le résultat le plus dense de l'oeuvre de Kusturica.

Au final, un plutôt bon moment, frais et intense. Cette semaine, allez voir ça, plutôt que la triste médiocrité olympique du banal Astérix.  

  

Pourquoi y aller ?

Pour s'amuser !  Pour voir un cinéma aussi différent que convaincant. Pour l'actrice Marija Petronijevic, fraîche et sublime. Pour un scénario qui se permet tout.

Ce qui peut freiner ?

Il faut quand même encaisser 2 heures de délires, d'un film foutraque qui peut paraître hystérique et absurde...