Son dernier livre, La lettre de Buenos Aires, vient de paraître ; il s’agit d’un recueil de neuf nouvelles. La toute première phrase de l’ouvrage donne le ton général et résume une partie du style et du propos de l’auteur : « Une souris mélancolique me regarde pendant que je fais la vaisselle ». Tous les textes sont écrits à la première personne du singulier (exceptés La plume et La lettre de Buenos Aires qui donne son titre au livre). Les personnages sont plutôt réservés et semblent bons, un peu comme l’idée que je me fais des souris, ces charmantes bestioles qui savent souvent rester discrètes. Quant à l’adjectif « mélancolique » il caractérise parfaitement le sentiment général qui se dégage de ces neuf nouvelles. La phrase est courte, simple au possible avec un sujet et un verbe et la description d’un geste banal, quotidien. Ces phrases mises bout à bout créent une petite musique reposante et délassante comme un bain chaud. Tout est dit.
J’ajouterai néanmoins que dans plusieurs nouvelles, il est question de navigation ou de marins, de mer ou de rivière, même si ce n’est pas le sujet principal du texte, un univers bien connu et qui compte beaucoup pour l’écrivain au vu de son passé. Si Hubert Mingarelli était peintre et non écrivain, il ferait des pastels, des tableaux aux teintes douces et veloutées.
Si vous cherchez un livre délicat dont on se délecte à en ralentir la lecture pour mieux profiter des sensations qui en émane (tout le contraire d’un thriller), si vous aimez les lectures qui tel un nuage d’encens parfument l’esprit, si vous êtes las de violence physique ou morale, cette Lettre de Buenos Aires vous est destinée. Un moment de calme dans un monde de brutes.
« Tandis que je visais l’eau entre le quai et la coque du bateau pour jeter ma cigarette, une silhouette s’était détachée des baraques et s’avançait à pas tranquilles sur le quai. L’homme entra dans la lumière de nos feux, fit encore quelques pas et s’accroupit devant le mort. Il lui défit ses chaussures, se redressa et s’en alla avec. Je remarquai alors qu’il était pieds nus. Je jetai un regard en bas vers la coupée, pour voir si l’officier de garde avait aperçu le voleur. Il était retourné et parlait avec les deux plantons. Je voulus l’avertir. Mais l’homme avait déjà rejoint les baraques. Et quoi faire de toute façon. »