Prendre sa part de la misère du monde

Publié le 19 mars 2011 par Rhubarbare

Le philosophe et comédien Yves Cusset était jeudi dernier l’invité de deux associations clunisoises, l’Université Rurale et Cluny Chemins d’Europe pour une discussion autour de son essai philosophique “Prendre sa part de la misère du monde: pour une philosophie politique de l’accueil”. 

Selon la quatrième de couverture de l’ouvrage:

Quand Michel Rocard avait affirmé en 1990 : ” La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde “, la phrase avait choqué, du moins un petit peu dans ce qui pouvait s’appeler la gauche, en rompant avec une pudeur qui rendait encore taboue la désignation d’un Autre qu’il faudrait de toute force maintenir à l’extérieur. Aujourd’hui, non seulement la phrase ne choque plus, mais elle sert jusque dans l’argumentaire de la gauche de proposition suffisant à justifier la prétendue fatalité guidant les choix politiques concernant l’immigration, l’asile et l’on n’ose même plus dire ” l’accueil ” des étrangers. On en oublie même de citer la deuxième partie de la phrase de Rocard, celle qu’il n’avait cessé de rappeler pour se défendre contre les accusations qui avaient alors plu contre lui : ” mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part “. Voilà qui était censé suffire à rappeler malgré tout à la République française sa mission historique d’accueil, et qu’on n’ose même plus citer aujourd’hui dans le contexte de durcissement extrême de la politique de l’immigration – qu’il convient d’appeler pour ce qu’elle est : une politique d’expulsion et de contrôle des frontières, devenant progressivement une police intérieure de la citoyenneté. Cependant la question demeure, contre laquelle butent aussi bien les dirigeants politiques que les théoriciens des Droits de l’Homme : quels sont les critères qui permettraient de déterminer la ” part ” de misère qu’il ” nous ” revient de prendre ?

Yves Cusset nous interpelle tout au long de cet entretien et du débat qui s’ensuit. Prenant appuis sur les travaux de Lévinas, Arendt et Habermas, Yves remet en jeu les notions de Droits de l’Homme, de Nation, d’appartenance, d’Europe. L’accueil vu non plus comme un choix éthique mais comme le fondement de toute éthique, la participation à la vie de la cité comme seul critère d’appartenance à celle-ci amène l’auteur à proposer une troisième voie qu’il intitule le cosmopolitisme de l’accueil.  L’accueil n’est plus alors une politique d’Etat qui se joue aux frontières, mais l’accueil se joue dans le représentation que nous avons de la communauté politique et qui nous relie les uns aux autres en temps que citoyens. C’est donc une transformation de notre représentation plutôt qu’une question de niveau d’ouverture des frontières.

Billet en accès libre sur rhubarbe.net