Deux associations saisissent l’ARPP au sujet de la campagne vantant les mérites du prospectus
Le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid), soutenu par le Réseau action climat (RAC), a annoncé avoir porté plainte auprès de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) contre la campagne de réhabilitation du prospectus, engagée en février par l’Observatoire du hors-média (OHM). Les deux associations dénoncent une campagne «mensongère et trompeuse» qui utilise, selon elles, un argument écologique «dans la seule optique de peindre en vert une filière industrielle polluante, fortement génératrice de déchets et prédatrice de ressources».
Rappel des faits…
En septembre 2010, le groupe Leclerc lance une campagne « Zero prospectus » dont l’objectif est de réduire progressivement l’utilisation des prospectus publicitaires papier jusqu’à leur totale disparition en 2020.
Ce programme se base sur 3 axes:
- La dématérialisation des prospectus. Les informations contenues dans les prospectus se retrouveront toutes sur des supports électroniques : le site Internet e-leclerc.com ou sur smartphone.
- Le recyclage des prospectus. Pour les consommateurs n’ayant pas encore accès à un smartphone, E.Leclerc incite ses clients à rapporter les prospectus papier en magasin afin de les collecter et de les recycler pour limiter leur impact environnemental.
- La réduction du poids et de la pagination des prospectus. Les centres E.Leclerc ont déjà réduit le poids, la taille et la pagination des prospectus distribués afin de limiter leur impact sur l’environnement.
Naturellement, il ne faut pas être naïf. Le groupe Leclerc a cherché à marquer les esprits comme il l’avait fait pour les sacs en plastique sans compter qu’en abandonnant les prospectus papier, le groupe fera de substantielles économies.
Les professionnels du papier n’ont, bien sûr, pas vraiment apprécié cette campagne. Ils ont riposté début février via l’Observatoire du Hors Média (OHM) avec une autre campagne, « I love prospectus », basée sur la distribution de 13 millions de livret 4 pages dans les boîtes à lettres et d’un site.
Les arguments annoncés laissent un goût bizarre. Sont soulignés sa pertinence (larges diffusion et lecture), son rôle économique, et surtout l’engagement de la filière à promouvoir l’éco-conception, le ciblage, le tri et le recyclage des papiers. Autre point délicat, l’affirmation que le papier est un support naturel.
Et concrètement, vu mes difficultés lorsque je conseille des chefs de fabrication des annonceurs sur les encres végétales et le papier recyclé, je peux vous assurer que le secteur de la communication est encore loin d’une généralisation de ces méthodes.
Mais revenons sur les arguments des 2 campagnes. « Dix huit milliards d’imprimés » sont envoyés chaque année en France, « soit l’équivalent de huit cent trente mille tonnes de papiers publicitaires », selon une étude réalisée par TNS-Sofres en 2009. Une autre chiffre, celui de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), indique que « chaque foyer reçoit en moyenne quarante kilos de prospectus par an ». Or, un papier sur deux termine son existence ailleurs que dans la filière du recyclage. Interrogée par Terra Eco, Géraldine Poivert, directrice générale d’Ecofolio, société chargée par l’état d’organiser, de financer et d’accompagner la collecte, le tri et le recyclage des papiers, indiquait que « pour fabriquer son papier recyclé, la France est contrainte d’aller chercher du papier de bureautique usagé jusqu’en Allemagne. » Nous sommes donc loin d’une filière parfaitement engagée dans une démarche d’éco-conception même si elle a fait énorménent de progrès (car il faut le souligner), d’où la plainte des 2 associations.
Pourtant, il aurait été assez facile de relever les manques de la campagne Leclerc qui oublie que le tout-dématérialisé n’a pas que des avantages en termes d’efficacité du support et d’environnement… Dommage pour l’OHM de s’être autant loupé sur sa com.
Alors, quelle sera la décision de l’ARPP ? Résultat d’ici quelques semaines.