Le Liberté. Rennes.
Vendredi 18 mars 2011.20h.
Soirée de clôture du festival Jazz à l'Etage.
La photographie de Tigran Hamasyan est l'oeuvre du Prestigieux Juan Carlos HERNANDEZ.
TIGRAN: piano, chant
En 1986, à Rennes, conduit par mes parents, j'allais écouter Ivo Pogorelich jouer en piano solo au Théâtre National de Bretagne. Acoustique impeccable, beau piano, grand pianiste. Soudain, un plonk se fit entendre. Une corde avait lâchée sous la furia slava du pianiste. Imperturbable, Ivo Pogorelich continua son concert avec la même flamme, le piano faisant plonk lors du passage sur la note maudite.
En 2011, de retour à Rennes, je viens écouter avec les deux femmes de ma vie, ma mère et ma compagne, un nouveau jeune Maître du piano, Tigran Hamasyan dit TIGRAN. Le piano est beau, ne lâche pas sous la pression du Maestro mais malheureusement l'acoustique est déplorable. Imaginez un hangar à zeppelins dans lequel vous ajoutez des baffles et une sono et vous aurez une idée du son que les spectateurs durent subir lors de cette soirée de clôture du festival Jazz à l'Etage. Pourvu que les organisateurs du festival changent de salle en 2012!
Ceci dit, TIGRAN venait nous jouer son premier album solo " A fable " qui est un véritable enchantement.
Ca commence par une ballade nostalgique, rêveuse. Le son énorme du piano remplit cette grande salle. Parfois Tigran semble se fondre dans le piano tant il y plonge parfois il le domine de toute sa superbe mais il le maîtrise toujours.
Une autre ballade étrange mystérieuse. Le son résonne dans la salle gâchant notre plaisir. Tigran passe à la vitesse supérieure. Un ruisseau dévale la montagne. Malgré le son, c'est beau, frais, enivrant. Il fait souffler l'air pur des montagnes du Caucase dans la salle.
" Someday my prince will come ". Le seul standard de l'album. La chanson de Blanche Neige dans le dessin animé de Walt Disney. Une chanson d'espoir que Tigran s'amuse à traiter en chant funéraire. C'est beau, triste mais tempéré par des petits gags musicaux comme chez Martial Solal, un de ses maîtres. Il s'éloigne du thème, créant un autre morceau dans l'instant. Puis il revient au thème avec douceur, tendresse. En cherchant dans l'aigu, le son semble sortir d'une boîte à musique.
Retour à l'Arménie avec une autre ballade somptueuse, majestueuse comme les montagnes. Puis ça part comme un vol d'étourneaux à tire d'aile. Cela respire le grand air et les alpages fleuris. Tigran en garde sous les mains et sous les pieds pour nous foudroyer par un éclair de beauté l'instant suivant. J'en oublie la laideur du son tant la musique est belle. Je chantonne avec lui entraîné par sa magie.
Tigran salue le public et annonce " Longing " qui illustre cet article. C'est une ballade où il chante. La musique évoque la mer, le vent, les vagues. Je sais que Tigran aime la Bretagne au point d'avoir dédié un morceau à Belle Ile. Il chante en arménien avec sa voix grave. C'est beau la pureté alliée au talent. Quand il monte dans l'aigu, il a des problèmes de justesse. Ce n'est pas un chanteur après tout. Par contre il est parfaitement en rythme avec sa musique contrairement à une chanteuse de Jazz française dont je tairai le nom par charité .
Tigran ne nous parle qu'en français. L'effort mérite d'être signalé car ce n'est pas facile pour un Arménien installé à New York. Après une introduction tranquille, il lance la machine et des vagues de beauté déferlent sur nous nous étourdissant parfois mais ne nous noyant jamais.
La deuxième partie de cette soirée de clôture était constituée d'un concert d'Avishai Cohen, parrain de la deuxième édition du festival Jazz à l'etage. Je n'en dirai mot car je n'y ai pas assisté.
La tournée française de TIGRAN continue. Toutes les dates sont indiquées sur son site. Je serai quant à moi au théâtre du Châtelet à Paris le vendredi 25 mars pour l'écouter d'abord seul puis avec le percussionniste indien Trilok Gurtu. Je m'en réjouis d'avance.