Le drame au Japon a occulté le reste de l'actualité, ces derniers temps. Mais lundi dernier, les ministres des finances des pays membres de la zone euro se sont retrouvés, pour mettre en musique les grandes directives des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est la suite du sommet qui s'est achevé, samedi à Bruxelles, avec ce pacte pour l'euro, et la mise en place d'un système d'aide aux pays les plus fragiles.
Il paraît que ce fut un succès. Les transactions financières seront désormais taxées selon le voeu de la France. Les bases d'un gouvernement économique de l'euro auraient même été posées. Tout va pour le mieux “Madame la Marquise“, dans le meilleur des mondes d'une Europe française. Il paraît du moins. Mais comme nous nous en doutons, derrière les apparences, la réalité est toujours plus austère. La taxe sur les transactions financières est uniquement à l'étude pour les dix-sept pays européens, et non pas décidée. On sait que Bruxelles et le royaume des études qui s'éternisent.
Le gouvernement économique européen est le grand projet français. Mais il relève, hélas, pour l'essentiel de l'utopie, car les Allemands le refusent obstinément. Ces-derniers ont juste obtenu que leur soit confié la gouvernance économique de la zone euro, sur leurs propres principes. Et la France s'y est soumise pour pouvoir continuer à parler de couple franco-allemand, et donner l'impression de diriger l'Europe à deux. On se souvient de la célèbre phrase du général De Gaulle, qui disait que la France serait le jockey et l'Allemagne le cheval. Mais aujourd'hui, les rôles sont simplement inversés. Certes, l'Allemagne a mis beaucoup d'eau dans son vin. Les Allemands se sont ainsi résolus à sauver l'euro, après avoir beaucoup hésité. Mais ils ont surtout compris, qu'il y allait aussi de leur intérêt économique. Ils veulent pouvoir continuer à exporter sur tout le continent sans risque de dévaluation monétaire, pour résister à leur magnifique machine exportatrice industrielle, et même désormais agricole.
Mais ils ne veulent pas payer pour tous les pays surendettés. Car la compétitivité des PIIGS, en dépit de tous leurs efforts, ne parviendra jamais au niveau exigé par l'euro fort. La situation est ainsi complexe, et c'est un choix parfois sifficile à tenir, car obligeant à de fortes concessions. Ainsi, à l'occasion de cette réunion de lundi dernier, les Irlandais ont réussi à sauver leur taux d'impôt sur les sociétés à 12,5 %. Les Français ont d'ailleurs tenté de les appater, en leur proposant de renégocier à la baisse leurs taux d'emprunts, contre une augmentation de leur impôt fétiche sur les sociétés. Mais la manoeuvre a fait choux blanc. Il faut comprendre les Irlandais, leur compétitivité repose uniquement sur leur fiscalité extrêmement modeste et avantageuse, attirant toutes les multinationales américaines chez eux, notamment dans le secteur des nouvelles technologies.
Le dumping fiscal et monétaire continuera ainsi de fausser les relations économiques, au sein du continent. Les Irlandais profitent de la solidarité européenne, mais défendent âprement leur bout de gras. L'Allemagne et la France cèdent, la première parce que ses banques ont beaucoup prêté, l'autre parce que Sarkozy veut à tout prix sauver l'euro. Pour l'Europe, derrière les effets d'annonce, cela signifie que rien n'a changé. Mais ce statut-quo a aussi un prix de plus en plus élevé.
J. D.