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Par Toréador | mars 19, 2011
A las cincos de la manana…
Deux certaines idées de la France
La dernière polémique sur les propos de Claude Guéant m'a interloqué. Le Ministre de l'Intérieur n'aime pas l'immigration incontrôlée, et le dit. Or, la violence de ses détracteurs m'interpelle : pourquoi la Gauche défend-t-elle avec autant de virulence l'entrée de l'Etranger (avec un grand "E") sur notre territoire ?
J'ai voulu faire mon enquête et ai donc discerné deux types de blogueurs. Il y a d'abord le camp des "invectiveurs" qui ne rationalisent pas leur réaction. Je peux citer Birenbaum, qui se contente de réagir à la déclaration évidemment électoraliste, sans expliquer vraiment en quoi elle le débecte* mais en essayant de censurer le langage. On peut également mettre le billet de la Mouette, pour qui – en gros – tout propos qui se rapproche peu ou prou du discours du Front National constitue en soi une infraction aux bonnes moeurs (or jusqu'à présent, le texte qui fait foi, c'est la loi…).
Il y a ensuite le camp des "objectiveurs" qui laissent entrevoir leur raisonnement, et c'est évidemment plus intéressant. Je mettrais dans cette catégorie Yann Savidan qui mélange deux types d'arguments : le premier, comme un postulat mathématique, que le discours de Gueant "est d'un autre âge" (ce qui d'évidence est faux : il n'y a jamais eu autant de mobilité migratoire qu'aujourd'hui, et donc cela explique que ce soit ressenti plus durement qu'au Moyen-Age), le second en s'appuyant sur des données d'un réseau partisan pour montrer que le taux d'immigration français est bas (ce qui laisse supposer que tout immigré est un étranger, et vice-versa, et n'aborde évidemment pas la question de la fiabilité des statistiques, ni même le sujet de l'immigration clandestine). Au final, pas très convainquant.
Plus sérieux, à mon sens, est le billet de 10 mai. Deux types d'arguments sont creusés par l'auteur : premièrement, il faut lutter contre la xénophobie – la peur systématique de l'étranger. C'est intéressant, parce que 10 mai suppose que cette xénophobie est la cause d'un mal et non la conséquence d"un mal. En d'autres termes, Gueant considère que c'est l'afflux d'étrangers qui alimente la xénophobie, et 10 mai que la xénophobie doit être combattue en elle-même comme cause première justement en mieux accueillant les étrangers. C'est curieux car si on réfléchit aux présupposés, on s'aperçoit que Gueant est finalement plus optimiste sur l'homme : il considère qu'il n'est pas xénophobe, pourvu qu'on jugule le nombre d'étrangers. En pensant la xénophobie totalement séparément de l'afflux d'étrangers, le raisonnement de 10 mai consiste à considérer que c'est un mal chronique, permanent, incurable, qui surgit de temps à autre, un peu comme la guerre ou la peste.**
Deuxièmement, 10 mai écrit ces phrases qui méritent d'être étudiées : "La France a toujours été une terre d'immigration, donc elle n'est jamais restée la même tout en étant fidèle à sa tradition d'accueil. J'ai le sentiment que c'est vous, ministre de la République, qui ne souhaitez pas que la France reste fidèle à sa tradition. En l'occurrence, je me sens plus fidèle à la France éternelle, celle qui s'est enrichie depuis des siècles au contact des immigrés. Au début du XXe siècle, les Français auraient également pu vouloir que « la France reste la France » et n'accueille pas les Italiens, les Polonais qui frappaient à sa porte. Fallait-il les rejeter au motif qu'ils risquaient de changer notre mode de vie?".
On retrouve le même type d'argumentation parmi les commentateurs de Guy Birenbaum : "Toutes ces personnes ont vraiment une idée rabougrie et gerbante de la France. J’oscille entre dégoût et colère devant tant de nullité. On va attendre combien de temps avant de les foutre dehors ? parce que ce sont eux le problème."***
Le syndrôme de Caracalla
Je m'interroge donc : n'est ce pas une conception raciale de l'homme qui finalement sert de socle à la pensée ? En effet, cela revient à considérer que le progrès, c'est forcément le métissage perpétuel, que "l'homme supérieur", c'est celui qui accepte de mélanger ses gènes avec l'étranger; au minimum que le melting pot est LA solution.
Le nazisme voulait créer la race parfaite par l'exclusion et la destruction de l'autre. La peur qu'un jour l'Europe accouche à nouveau d'une telle idéologie n'a-t-elle pas encouragée son exact inverse, tout aussi pervers, à savoir la glorification de la société métissée ? J'ajouterais qu'elle semble s'accompagner d'une certaine hostilité à l'égard de ceux qui professent des thèses inverses : Birenbaum, 10 mai, Savidan semblent plus partager avec l'étranger qui frappe à la porte qu'avec l'un de leurs compatriotes. Soyons provocateur : Racisme anti-vieille France ? Faut-il être autophobe pour ne pas être xénophobes ?
Gustave Ruben****, reproduit par Criticus, a donc raison de pointer le caractère idéologique de cette pensée. Par exemple, l'affirmation "la France a toujours été une terre d'immigration", n'est-ce pas déjà une idéologie ? Je dirais que tous les pays d'Europe ont été des pays d'immigration et/ou d'émigration suivant les époques. On oublie qu'au début du siècle, des bagarres armées avaient lieu entre les ouvriers français et les "macaronis" italiens, bien plus sanglantes qu'aujourd'hui. Tout pays riche est forcément terre d'immigration.
Ensuite, penser que les sociétés de melting pot sont des sociétés supérieures et moins xénophobes peut se justifier ou s'infirmer. Les Etats-Unis sont un excellent exemple de modèle métissé… profondément raciste. A l'inverse, le Japon et la Chine – n°3 et n°2 mondiaux, sont des pays non-métissés… et tout aussi racistes.
Mais par dessus tout, cette idéologie n'est-elle pas au final un peu absurde ? Car prôner "le changement du mode de vie", c'est aussi risquer que nos valeurs de tolérance changent, si notamment nous importons d'ailleurs des moeurs moins accommodantes.
La religion païenne des Anciens, qui avait accompagné les succès des Consuls et des Empereurs, a fini par devenir minoritaire au profit de la secte du poisson, et ceci a coïncidé avec le déclin de Rome. L'Empire romain a en partie disparu parce qu'il a été "dénaturé" par la Chrétienté et les barbares. Politiquement, l'Empereur Caracalla avait étendu en 212 à l'ensemble des sujets la citoyenneté romaine mais cela n'a pas durablement accru le sens patriotique de ces nouveaux venus : la conscription des non-romains chuta, l'armée perdit son attrait, et deux siècles plus tard, Rome était pillée par ses ennemis.
* Au passage, Guy Birenbaum a préféré la définition de lapalissade du Petit Robert mais s'il avait privilégié le Larousse, il aurait constaté qu'en réalité Yves Threard a insulté Claude Gueant. Une Lapalissade est la vérité d'une évidence niaise.
** Sur ce point, je me contenterais du Larousse en ligne : "À cette question épineuse on ne peut se risquer à donner une réponse, serait-elle des plus prudentes, sans poser, au préalable, le problème suivant : le racisme est-il un phénomène inhérent à la nature humaine, et en quel sens ? Ou bien est-il un phénomène strictement lié à la modernité, et, dans ce cas, à quelle modernité ?
*** Notez que pour ces propos, Guy Birenbaum, responsable des commentaires laissés sur son blog, pourrait être poursuivi pour "provocation et incitation à la haine".
**** Son billet peut être lu ici.
Tags: Clade Guéant, Criticus, Guy Birenbaum, idéologie du métisage, thèses racialistesSujets: Paso Doble | 2 Comments »
2 réponses “Paso Doble n°198 : Faut-il aimer l’Etranger plus que soi-même ?”
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mtislav Says:
mars 19th, 2011 at 4:04Plus qu'à "l'entrée de l'étranger" n'est-ce pas plutôt des conditions dans lesquelles certains envisagent sa sortie qui préoccupe tout défenseur des Droits de l'Homme ? La phrase de Guéant condamne la politique du chiffre dont il est un des apôtres. Ce qui ravit l'extrême droite. Quant à la question de fond, je pense que la parabole de l'ouvrier de la onzième heure est la justification judéo-chrétienne de toute bonne parole sur ce sujet. Le reste n'est qu'un problème de droit du travail !
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GM Says:
mars 19th, 2011 at 5:25Euuuuh pardon, mais le melting-pot est la solution (ou le problème) à quoi ? En fait l'immigration est le problème de quoi ? (en vrai, faites un post, un vrai, là dessus, j'aimerai vraiment savoir quels sont les VRAIS problèmes que posent les étrangers, sur le sol français aujourd'hui). Pas du blabla électoral (on peut pas vivre ensemble, on ne se sent plus chez soit, et ce genre de truc), mais du solide, de l'argumenté, du charpenté. Du lourd, quoi. Comme tous ceux qui se délectent et se débectent de l'immigré, vous devez en avoir, de la donnée sur la question, j'imagine, hein ?
Je précise : je suis petit fils d'immigré, assez sensible et épidermique sur ces questions parce que j'entends, souvent, plein de choses qui me concernent, parce qu'on parle de moi malgré moi, y compris face à moi, sans le savoir : vous savez, les fameux "enfants d'immigrés", ou ceux qui sont "issus de l'immigration".
Alors moi, je suis petit fils d'immigré. Mais ça se voit pas trop, physiquement je veux dire, alors quand les gens parlent en face moi, ben ils savent pas que je suis petit fils d'immigrés, et donc, ils se lachent un peu. Ils me disent : les immigrés c'est pas possible, il y en a trop, on se sent plus trop français, on se sent plus en France ici. Moi, je pense que j'ai pas besoin de savoir comment se sent mon voisin pour savoir qui je suis. D'ailleurs, je pense comme tous les Français, mes voisins sont des cons.En plus, mon voisin, je m'en fous, je ne l'ai jamais vu, ou juste une fois dans l'escalier.
Alors, la blaque, c'est que mon grand père et ma grand mère, ils étaient russe et polonais et pas arabes. Du coup, quand je demande un peu de modération sur ces discours là (les étrangers volent le boulots des Français, c'est intolérable, ils se comportent pas comme nous, tout ça, tout ça), on me répond, toit c'est pas pareil : christiniaté, tout ça. Et moi, en mon for intérieur moi, christinianité ; HAHAHAHAHA. (et jésus vient juste de faire une crise cardiaque à cette idée, en plus de se retourner dnas son suaire de turin au moins 15 fois).
Donc, moi c'est pas pareil, parce que chrétien (même théorique, j'ai vu une seule messe dans ma vie)
Mais alors : les préfets, à l'époque, ils disaient ça : "Les Polonais travaillant aux mines, vivant en groupe, n’ont que peu ou pas de rapports avec nos ressortissants. Loin de les rechercher, ils s’efforcent de vivre uniquement entre eux, encouragés en cela par leurs ministres du culte et par leurs autorités consulaires elles-mêmes. (…) Quelle est l’aptitude de l’immigrant polonais à s’assimiler ? La réponse est nette : aucune, quant au présent du moins ; j’ai dit plus haut que le Polonais ne recherchait pas la compagnie de l’ouvrier français. Cette observation se vérifie même durant les heures de travail. Au fond de la mine comme sur le carreau ou à l’atelier, un mur invisible les sépare. Á l’issue de la journée, chacun s’en va de son côté. L’estaminet ne les rapproche même pas, non plus que le sport."
Ca vous rappelle quelquechose ? Allez, on remplace estaminet par PMU.
Alors quoi. Je suis français. Autant que vous. Vous en doutez ? Je doit me comporter comme vous ? Manger comme vous ? Aller à la même messe que vous ? Parce que j'ai des origines étrangères ? Dites moi ? Vraiment.
Mais en attendant, même si c'est impoli et probablement contreproductif, Je vous emmerde. Sincèrement, de tout mon coeur de Français.
Un truc sur lequel je suis daccord : toutes les sociétés sont xénophobes, c'est certain. Mais voir justifiée cette xénophobie par l'appareil d'état et les "élites", c'est odieux. Là où je suis pas trop Français, c'est que j'attend plus d'un ministre qu'un commentaire de type bar PMU (peut-être parce que contrairement au ministre, je fréquente déjà le PMU, alors, ça me suffi ?).