Bon, une nouvelle mission de finie, nomdedjeu. Hé bien, je suis claqué, mais ça fera du bien au porte-monnaie.
Puis pas que, parce que quand même, les missions sur le terrain, quand le terrain est la mangrove sénégalaise, c'est rien chouette, comme dirait plus personne.
Pourquoi c'est chouette ? Ben comme d'hab : déjà, on est au milieu des palétuviers, sans voir plus de trois péquins par jour, à part l'équipage, quand on bosse pas, on peut écouter Zazie dans le métro les pieds dans l'eau, ou prendre des photos pour se la péter, ou se la péter en chopant des Pseudotolithus elongatus à la ligne, et pas qu'un, en plus, mais pas loin d'une bonne demi-douzaine.
Puis y'a l'équipage, les histoires qu'on entend pour la quatrième fois en quatre missions, mais qui sont toujours marrantes (le coup du collègue qui rentre en France avec une valise de mangues, qui se rend compte arrivé chez lui qu'il s'est trompé de valise à l'aéroport, qui appelle et qui entend une dame soulagée dire « haaaa bé vous nous rassurez, on a un monsieur malien qui réclame qu'on lui paye un billet de retour, il dit qu'il a été marabouté et qu'on lui a transformé tous ses habits en mangues et qu'il doit rentrer se faire démarabouter », ou son récit de comment il s'est fait cracher dans l'oeil par un cobra qu'il essayait d'assommer (enfin, à côté de l'oeil), ou encore plein d'autres histoires entre la Côte d'Ivoire et le bois de Boulogne), les petits compliments du matin « nomdedjeu t'es un vrai breton, toi ! Comment tu fais pour être en ticheurte ? -Ben on est au Sénégal, quoi, il fait chaud... », les expressions dont on se dit qu'elles font classe et qu'il faudrait penser à les placer dans les prochaines conversations pour faire vrai mec (genre « toui de toui », que j'aime beaucoup), les constatations « ha, le soleil s'est couché, c'est l'heure de l'apéro », les exclamations de respect « ho putain, un pet de sept secondes, ça doit être un record, je comprends pas comment tu fais pour pas faire dans ton froc »...
Puis y'a la bouffe, parce que le barracuda fraîchement pêché version thiboudien c'est pas dégueulasse, faut dire.
Puis y'a le boulot : trier des bassines pleines de poissons gluants, voir apparaître sous un tas d'ethmaloses le rostre d'un Tylosurus crocodilus, ou les écailles colotées d'un tilapia, c'est chouette, un peu comme une chasse au trésor dans une bassine de poissons gluants. Expliquer au nouveau que c'est à LUI de compter les poissons quand y'en a des centaines, ou de prendre des notes quand vous êtes fatigué ou que c'est juste un gros tas de sardinelles et de Gerres, c'est bien aussi.
Puis regarder dans la bouche d'un Hemiramphus brasiliensis (je crois), par hasard, parce que j'aime bien regarder la bouche des poissons (c'est rigolo, quand on tire sur la mâchoire inférieure, on sait jamais à quoi ça va ressembler une bouche de poisson), et trouver que la langue a une drôle de tête, parce qu'elle a une tête, et disséquer la tête du poisson pour en extraire le parasite le plus classe du monde, c'est la classe.
Alors oui, c'est un parasite qui bouffe la langue du poisson et prend sa place dans la bouche du poisson. C'est tout bonnement génial la nature, on penserait jamais à inventer un truc aussi crade, pour tout dire, ça a illuminé ma journée et le reste de la mission.
On voit pas bien ?
C'est pas tellement mieux, ok.
La classe, quand même.
Allez, on remet ça en mai.