Je suis d’ailleurs persuadé que cette censure assurée avec zèle et rigidité
par les vigilants gardes chiourmes de la bonne pensée n’est pas étrangère (jeu
de mot extrêmement fin) à la popularisation des idées du Front
National.
Interdit sous peine d’excommunication de parler d’immigration,
d’intégration, de délinquance, d’origines culturelles et ethniques sans y
associer multiculturalisme, universalisme, égalitarisme, droit de l’hommisme,
bras ouvert et sourire aux lèvrisme ou encore tout le monde il est beau et tout
le monde il est gentillisme !
Du coup, pas de question, pas de constat documenté, pas d’explication, pas
de débat et pas de solutions mais par contre une Marine Le Pen à 22% (ou 21 ou
23 on s’en fout) !
C’est une attitude que l’on ne peut décemment pas reprocher à Claude Guéant
!
Claude Guéant, lui, fait dans un autre genre. Il n’a pas peur d’évoquer les
problèmes, de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, et de mettre
officiellement (il est ministre de l’Intérieur) les questions tabous sur la
table …tout le contraire des autres ! Pour autant, on obtient exactement
le même résultat.
Pas de question, pas de constat documenté, pas d’explication, pas de débat
et pas de solutions mais par contre une Marine Le Pen à 22% (ou 21 ou 23 on
s’en fout) !
En disant « tout haut ce que beaucoup pensent tout bas », Claude Guéant
ne fait que reprendre la conversation telle que Robert et Marcel l’ont laissé
en sortant du Balto plein de bière et de fiel, la veille au soir !
« Les Français à force d'immigration incontrôlée ont parfois le
sentiment de ne plus être chez eux, ou bien ils ont le sentiment de voir des
pratiques qui s'imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre
vie sociale »… « Nos compatriotes veulent choisir leur mode de vie,
ils ne veulent pas qu'on leur impose un mode de vie »,
a-t-il insisté !
Certes c’est probablement mieux exprimé que n’ont pu le faire Robert et
Marcel dans leur langage un peu bourré et un peu frustre, mais l’essentiel y
est !
Les hordes d’immigrés clandestins de préférence colorés, barbus et en
djellaba viennent nous imposer leur religion, leurs us et leurs coutumes, nous
prendre notre boulot, nos maisons et nos femmes !
Nous ne sommes plus chez nous, ma bonne dame !
Il utilise une dialectique depuis longtemps pratiquée par le Front national
consistant à demander «hein que vous voulez avoir le sentiment d’être chez
vous ? hein ?»...réponse de Robert « ah ben oui
alors » !
«Hein que vous ne voulez pas qu’on vous impose des pratiques qui ne
correspondent pas aux règles de votre vie sociale ? hein ?»...réponse
de Marcel « ah ben non alors » !
«Hein que vous ne voulez pas qu’on vous impose un mode de vie ?
hein ?»...réponse de Robert « ah ben non alors »
!
Et Robert et Marcel de conclure en chœur, « il a bien raison ce
Monsieur Guéant, il a bien raison ! »
Le problème, c’est que le postulat de départ, sans être tout à fait faux
puisque le sentiment évoqué par Guéant existe malheureusement, est pour le
moins excessif. Personne ne nous impose quoi que ce soit, personne ne nous
impose sa religion, son mode de vie ou ses pratiques en tout genre !...personne
!
En l’exprimant comme il le fait, Guéant transforme un sentiment plus ou
moins conscient et pas si diffusé que cela, en une vérité largement répandue
!
C’est d’une certaine manière confirmer non pas que ce sentiment existe, mais
qu’il est fondé !
« Tiens, Marcel, je te l’avais bien dit qu’on était plus chez nous, même
ce bon Monsieur Guéant le dit à la radio ! »
Parler de ces questions est évidemment indispensable mais le faire comme ça,
c’est typiquement du populisme à la Le Pen ou à la Mélenchon, c’est dire au
« peuple » ce qu’il a envie d’entendre sans rien autour qui puisse
réellement aider à comprendre, pas de constat documenté, pas d’explication, pas
de débat et pas de solutions !
Avec des auxiliaires aussi nombreux et dévoués, Marine le Pen n’a pas fini
de grimper dans les sondages !