Le 20 mars prochain aura lieu le premier tour des élections cantonales en France. Elles concernent 2.023 cantons sur 4.220. Comme le rappelle Le Post dans son article « Les élections cantonales pour les nuls« , le rapport de force entre la gauche et la droite pourrait s’en trouver modifié, et ces élections pourraient avoir une influence sur les prochaines élections sénatoriales (les conseillers généraux faisant partie du corps de grands électeurs participant à celles-ci).
Comme de plus en plus souvent pour les élections françaises, hors la présidentielle, se pose la question du taux de participation. L’abstention vers laquelle s’achemine ces élections pourrait, comme le souligne Le Monde, constituer un nouveau record dans la Ve République. La campagne électorale, morne et monotone, a été essentiellement animée par quelques faits divers touchant, comme c’est souvent le cas ces dernières semaines dans la vie politique française, au Front National de Marine Le Pen.
Plusieurs syndicalistes de la CGT, la CFTC, de FO se sont portés candidat, sous étiquette du Front National, aux élections cantonales. La réaction des centrales ne s’est pas faite attendre : exclusion, rodomontades via media interposés, etc. Puis, et c’est un fait nouveau, a été publiée le 17 mars une « déclaration commune des organisations CFDT, CGT, FSU, Solidaires et Unsa rappelant que les orientations du FN sont à l’opposé des valeurs qu’elles portent« . Elle fait écho à la création, une semaine auparavant, du Cercle National de Défense des Travailleurs Syndiqués par le vice-président du FN Louis Aliot et Thierry Gourlot, adhérent de la CFTC, syndicat qui n’a pas signé la déclaration commune, de même que FO et la CFE-CGC.
Marc Landré, sur le blog Les dessous du social sur le Figaro.fr, rappelle la pratique du deux poids deux mesures en matière de cordon sanitaire : on ne compte plus le nombre de syndicalistes, ou même responsables syndicaux, qui sont ou ont été détenteurs d’un mandat politique, ou qui sont candidats, sous les étiquettes PS, UMP, etc. Plus grave encore, Marc Landré rapporte les propos d’un des signataires de la déclaration commune : « Je ne peux pas le dire officiellement mais le comportement de certains militants d’extrême gauche est tout aussi choquant que celui de certains militants d’extrême-droite. » Il est choquant, mais on ne le dénonce pas, on ne peut le dénoncer.
Au-delà de cette ébullition du microcosme politico-syndical, il est à noter qu‘il existe tout de même quelques enjeux un peu plus sérieux dans cette élection. D’abord, le FN pourrait dimanche prochain avoir ses premiers conseillers généraux. Ce parti table sur une présence de 100 à 200 de ses candidats au second tour, pour obtenir quelques mandats. De même, le PCF et le Front de Gauche joue gros dans cette élection, son influence en vue de la présidentielle de 2012. Le parti communiste français détient encore deux des quelques bastions communistes dans le monde avec Cuba et la Corée du Nord, à savoir les Conseils généraux de l’Allier et le Val-de-Marne, qu’il souhaite conserver. Des accords entre le parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts pourraient bousculer la donne.
Une autre inconnue du scrutin, le score de EE-LV justement : ce parti vise une centaine de sièges pour 31 actuellement. Ce parti ne vise ni plus ni moins que de devenir la second force de gauche, allié privilégié du parti socialiste. EE-LV a d’ores et déjà averti, par exemple, qu’il n’y aurait pas de consigne de désistement automatique au profit du PS, et que cela se règlerait localement, au cas par cas. Comprendre : se négocierait et se monnaierait, de la manière la plus optimale qui soit.
Concernant les grosses écuries, le parti socialiste détient actuellement 56 départements et aimerait passer la barre des 60 (7 de ses fiefs pourraient passer à droite selon Le Monde), objectif que l’UMP aimerait contrecarrer, cela être semble sa seule ambition, ou en tout cas celle des candidats sur le terrain, dont la moitié ne mentionne même pas son appartenance au parti de la majorité présidentielle. La poussée du FN pourrait gêner des dizaines de candidats UMP (de 50 à 80 selon Le Figaro).
Enfin, quelques individualités ici ou là jouent une partie de leur avenir politique : François Hollande en Corrèze, pour qui une défaite handicaperait sérieusement ses chances aux primaires socialistes de 2011 ; mais également Michel Mercier, actuel Garde des Sceaux, à la lutte pour conserver la présidence du Conseil général du Rhône. Symboliquement, les anciens fiefs de François Fillon (Sarthe) et Philippe de Villiers (Vendée) pourraient basculer à gauche, et probablement créer quelque gêne au sein de la majorité présidentielle.
On ne pourrait clore ce panorama à la veille du premier tour des cantonales sans mentionner les partis du centre : le Nouveau Centre ne semble pas avoir beaucoup d’ambition dans ce scrutin, mais François Sauvadet, président de ce parti, pourrait perdre la présidence du Conseil général de la Côte-d’Or, sans toutefois que cela créé un séisme politique (le NC détient deux autres présidences, en Mayenne et dans le Morbihan). Quant au Modem, il semble avoir encore moins d’ambition pour cette élection, ce qui témoigne d’une coupure du fil qui le maintenait encore en lien avec l’électorat français.
Rendez-vous après le premier tour pour un debriefing de l’élection.