Malgré son credo qui consiste depuis quelques années à révolutionner le jeu vidéo et l'approche que l'on peut en avoir dans le gameplay, Nintendo opère depuis un semestre un "back to basics". Reléguant la détection de mouvement à quelque chose de plus secondaire, la firme semble vouloir faire dans la simplicité en proposant ce qu'elle sait faire de mieux : du jeu de plateforme en 2D. Non, nous ne sommes pas en train de dire qu'elle ne sait œuvrer que dans ce domaine , juste que la fin de vie de la Wii a pour soins palliatifs de la plateforme old-school en guise de madeleines de Proust. Après un Donkey Kong où l'on s'était pris en pleine face toute la maestria de Retro Studios dans le genre, c'est une boule rose que l'on a au bout du fil. Kirby fait enfin sa première incursion sur Wii. Avec la manière ? Levons le voile...
La guerre des boutons
A bien des égards, Dream Land a des faux airs du Royaume Champignon de Mario. Que ce soit le plombier ou le bouffe-tout rosâtre, nos deux amis espèrent roucouler paisiblement dans la nature et sont toujours interrompus par un dictateur qui a du mal à faire ses valises. C'est une nouvelle fois le point de départ du jeu supervisé par Hal Laboratory. En effet, Maillalenvers, sorcier de son état et vexé de voir sa Métamate magique gobée par Kirby, expédie notre ami grâce à une chaussette magique (comme dirait Marty, c'est pas le pied...) dans un monde fait uniquement de fils et de tissus, personnages et ennemis compris, le Pays de la courtepointe. Là, il y rencontre le Prince PonPon (qui fera office de second joueur pour le mode du même nom) qui lui explique la situation et lui demande de l'aide pour raccommoder les différentes zones de son monde. Kirby dans sa grande générosité répondra par la positive et ce sera le commencement de votre aventure.
Outre le fait que ce soit Kirby le héros, le titre développé par GoodFeel a surtout fait parler de lui pour une seule et simple raison : l'aspect graphique du jeu. Intégralement composé d'un univers en 2D de fils et de tissus divers et variés, Kirby au Fil de l'Aventure a rapidement séduit l'œil averti grâce à ce melting-pot coloré, voire enfantin, qui lui donnait un cachet indéniable sur le papier. Et autant le dire rapidement, cela fonctionne encore mieux de visu. Nintendo démontre qu'il n'est pas forcément utile de s'évertuer à tenter de proposer un rendu 3D empli de textures et polygones pas toujours à leur avantage sur Wii et que la 2D bichonnée est une alternative qui a encore sa place de nos jours. Finesse des graphismes, fluidité de l'animation, accompagnement musical de grande classe ou encore une totale compréhension du sujet font que l'on a rapidement l'impression de se trouver face à l'un des plus jolis jeux du support, du moins l'un des mieux maitrisés dans l'esthétisme général. Même si certains le jugeront trop empli de mièvrerie et pourront être hermétiques à cette patte artistique, la majorité devrait accrocher et plus encore.
Il était important de poser ces bases quant à l'aspect graphique du jeu car la bonne nouvelle pour nous, c'est que tout va tourner autour de cette approche et amènera de fil en aiguille de bien agréables surprises. Précisons également que le gobeur fou est jouable uniquement avec la Wiimote tenue à l'horizontale comme le bon vieux pad NES. "Morphologie" oblige, Kirby est ici dans l'incapacité de gober ses adversaires comme c'est généralement le cas. Il peut néanmoins en découdre avec eux grâce à un fil magique, son arme principale. Grâce à ce dernier, il peut se défaire de ses ennemis ou bien les muer en projectiles. Ce fouet providentiel sert également à arracher les languettes, ouvrir des fermetures éclair ou bien encore tirer ou se balancer à des boutons. Même si elle ne peut engloutir ses ennemis, notre petite boule garde la faculté de se métamorphoser à l'envi : en voiture pour aller plus vite, en parachute pour ralentir sa chute, en sous-marin lorsqu'il est dans l'eau ou encore en poids pour écraser ennemis et plateformes. Cependant, des bonus de stages offrent des mutations bien plus interactives. On pense notamment au requin, à la soucoupe volante, à la voiture de rallye, au surf ou encore à l'avion de chasse. D'autres sont présentes, nous vous laissons le soin de les découvrir. Mais sachez qu'à l'instar de Kirby en forme de base, les transformations sont parfaitement jouables et font même appel à l'accéleromètre de la Wiimote.
Un Pokémon perles et diamants ?
Comme dans tout bon jeu de plateforme qui se respecte, le monde dans lequel vous évoluez est découpé en différentes zones à thème (huit au total), elles-même scindées en stages. On tombe facilement dans les poncifs du genre mais comme indiqué précédemment, le level design est confectionné aux petits oignons. Que ce soit dans l'espace, sous l'eau, sous terre ou encore dans un monde enneigé, les développeurs tirent pleinement profit du potentiel créatif de l'univers textile, si bien que l'on n'a qu'une très légère impression de redondance au gré de l'aventure qui vous occupera pendant une petite huitaine d'heures sans les à-côtés. Cela profite à la rejouabilité puisque, même s'il manque cruellement de difficulté (nous reviendrons sur ce point), Kirby au Fil de l'Aventure propose un système de récolte d'objets bonus et de perles, ces dernières déterminant la médaille (bois, bronze, argent et or) que vous obtenez en fin de niveau.
Les trésors sont là pour les activités annexes de l'aventure principale qui se déroulent au Village Feutré, lieu de repos. On y retrouve des marchands de tissus et d'objets, un hôtel et des chambres qu'il faudra décorer selon un schéma précis avec les trésors collectés. Si votre talent de décorateur flirte avec celui de Valérie Damidot, cela débloquera la location du pied-à-terre. Les futurs occupants du lieu (qui paraitront bien familiers à ceux qui ont joué à Super Paper Mario) vous proposent dès lors des défis avec, en guise de récompense, des tissus inédits. Parmi les épreuves, citons pêle-mêle un jeu de cache-cache, de course ou encore de collecte de perles. Tous ces défis sont un contre-la-montre et diversifient légèrement l'expérience originelle.
Mais en fait, à quoi peuvent bien servir ces tissus et objets que l'on évoque depuis le début du test ? Tout simplement pour la complétion à 100 % du jeu, mais aussi à agrémenter la chambre de Kirby en la décorant (via la visée de la Wiimote) selon votre goût, ou du moins, celui des plus jeunes. Car, autant le dire, c'est totalement dispensable et inintéressant au possible, mais cela amusera peut-être les bambins.
En parlant de ces petites têtes blondes (les autres aussi, ne soyons pas sectaires), il est indéniable que ce Kirby a été conçu pour leur être des plus accessibles. Cela se traduit par une facilité globale et surtout l'impossibilité de mourir. Oui, la faucheuse est bannie de Dream Land et du Pays de la courtepointe. Que vous soyez touché par un ennemi (quel que soit le gabarit), que vous tombiez dans un vide apparent ou que vous soyez bloqué par le scrolling automatique de certains stages, la boule rose est encore plus immortelle qu'un Mac Leod. Seules des perles seront perdues, vous pénalisant uniquement dans votre course à la médaille d'or. Mais cette accessibilité ne gêne en rien dans le plaisir que nous procure le soft, un vent de fraîcheur qui mérite vraiment d'être ressenti, quitte à s'en séparer une fois l'effet Kiss Cool passé.
Un mot sur la possibilité de jouer en coopératif, le second acteur prenant le contrôle du Prince PonPon ayant les mêmes capacités que Kirby. Si l'on n'y trouve pas l'interactivité entre les protagonistes comme c'était le cas sur New Super Mario Bros Wii, on ne se plaindra pas d'y trouver un moyen d'accompagner ou se faire accompagner par un plus jeune ami. Car oui, Kirby, c'est clairement un mélange générationnel qui est visé, et l'objectif est atteint avec brio.