L'assaut

Publié le 17 mars 2011 par Jul

Basé sur un fait réel inconnu des jeunes d'aujourd'hui, mais utile à rappeler, "L'assaut" retrace la prise d'otages de l'Airbus A-300 à Alger le 24 décembre 1994, par le GIA (Groupe islamique armé) dont le but était de s'écraser sur la Tour Eiffel. Les faits s'achèverent par la mort des quatre terroristes à l'aéroport de Marseille, deux jours plus tard.

Résultat de plusieurs années de préparation, le film-coup de poing de Julien Leclercq fait le même effet que "Green Zone" de Paul Greengrass l'an dernier. S'il n'a pas toujours le rythme frénétique de son prédécesseur, il a quant à lui une extrême froideur dûe en partie à l'aspect documentaire du film, et en partie au montage saccadé et par à-coups (dûs à l'utilisation de la caméra à l'épaule), à une tension incessante et à une confusion très étudiée, aspects qu'on retrouve chez Michele Placido (la violence brute et froide de "Romanzo criminale", les scènes de bagarres entre étudiants et policiers du "Rêve italien"). Parfois long et manquant de rythme dans sa première partie, "L'assaut" prend le spectateur aux tripes dans toute sa deuxième partie, c'est-à-dire pendant l'assaut final à Marignane. Sa photographie très épurée, presque en noir et blanc, et laissant peu à peu la place à des images abstraites, lui donne encore plus de force.

 

Ici, aucune compassion et aucun sentiment, pas non plus d'héroïsme ou de lâcheté. Julien Leclercq va jusqu'à transformer ses personnages en simples corps sans nom, voire sans visage à cause des casques. Les rares personnages à qui on donne un nom nous sont à peine présentés et on aura du mal à comprendre leur rôle et leurs actions. Les Français, qui suivent l'évènement en direct à la télévision, ne sont qu'un simple élément visuel de l'ensemble sur lesquels le réalisateur s'attarde à peine. On se retrouve ainsi face à un film atypique, dont ce qu'il reste n'est absolument pas une histoire avec des personnages, mais une course vers un but commun, où chacun ne sera plus qu'un simple spectateur inefficace face au danger qui menace les sociétés actuelles. Même les médias sont impuissants: leur présence, d'abord essentielle pendant l'assaut, devient tout d'un coup totalement absurde lorsqu'elle montre les blessés aux téléspectateurs et peut-être à leurs propres familles, sans pouvoir aider les uns ni les autres. Tout se passe évidemment à l'intérieur de l'avion, et le réalisateur, en recréant l'ambiance à partir de témoignages assez fidèles à la réalité, a su montrer mieux que personne les motivations d'un groupe de terroristes – mais surtout à quel point ils sont fous.

Destiné à ceux qui ont reproché ses lenteurs à "Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois et son patriotisme anti-français à Rachid Bouchareb ("Indigènes", "Hors-la-loi"), et en sont restés à "La bataille d'Alger" de Pontecorvo, "L'assaut" est non seulement un film à ne pas rater, mais une preuve de plus que c'est lorsque les réalisateurs français actuels s'inspirent un peu trop du cinéma américain qu'ils réussissent leurs films.