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Rodolphe Burger : No Sport, nouvel album

Publié le 30 janvier 2008 par Eparsa


Entre le cadre doré et le tain piqué de rouille d’un miroir posé sur un secrétaire du studio Klein Leberau à Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, une photographie en noir et blanc – mais jaune déjà – montre un jeune et longiligne Rodolphe Burger entièrement vêtu de cuir noir. Nous sommes sans doute au tout début des années 80, Kat Onoma se nomme encore Dernière Bande et Rodolphe Burger y est déjà à sa place : non loin de la cuisine, à gauche, devant une large et haute armoire alsacienne en chêne mouluré et sculpté. À cette place donc, qui est la sienne et qui lui permet d’embrasser du regard la campagne vosgienne en même temps que les musiciens qui l’accompagnent.

Rodolphe Burger joue ici depuis toujours – avec ou sans costume de cuir – le dos tourné au buffet de famille. Si bien que cela donne l’impression curieuse que sa guitare n’est pas simplement branchée au Musicman qu’il affectionne tant mais que – par un tour de passe-passe : au détour d’un rack et d’un jack – elle est également reliée au vieux meuble et que c’est donc l’armoire qui envoie littéralement le bois. Cette armoire que personne n’a jamais vraiment osé ouvrir – pas même Joël Theux (le maître des lieux) – et dont les montants sont expressément obstrués par la présence d’un puissant AC30 et d’un massif Ampeg à lampes.

Pourtant, c’est bien dans cette armoire que Liam Farrel alias Doctor. L. (complice dejà de Méteor Show) a osé fouiller en ouvrant discrètement ses grandes portes noires. C’est là qu’il s’est emparé parmi les médaillons, les mèches de cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches de ce « son qui rampe et rappe et cogne » tout au long de ce nouvel album. Quant à Olivier Cadiot, conseiller occulte de ce disque, sans doute savait-il déjà ce que le docteur allait y trouver : Cadiot, qui connait son Rimbaud, savait que No sport était déjà-là. Car, et bien que l’époque leur soit sourde, les poètes contemporains (fussent-t-il appareillés de mobiles et d’I-pod) ont l’ouïe fine : No sport bruissait dans le buffet comme un serpent qui siffle...

Est-ce précisément ce serpent qu’Ali Farka Touré rencontra une nuit alors qu’il tenait dans ses mains le jurukelen (guitare à une seule corde) près de trois jeunes filles « arrêtées comme en escalier » ? Un serpent « noir et blanc », précise-t-il, qui portait une marque étrange sur le crâne et s’enroula autour de sa tête pour lui enseigner l’art de jouer de la guitare instantanément. Un rattle snake qui semble cette fois-ci s’être entortillé aux doigts de Rodolphe pour lui dicter les riffs malins et maliens de ce nouvel opus qui tient donc du vaudou. Car Burger est l’instrument de sa guitare dans cet album. C’est elle qui se joue de lui. Comme Robert Johnson en fit malgré lui l’expérience au centre d’un énigmatique crossroad où il signa un pacte avec le diable, Rodolphe Burger est ici le jouet de son jeu.

Mais c’est à un tout autre croisement (peut-être bien sur ce pont qui mène à la Chapelle de Saint-Pierre sur l’Hâte et traverse la petite Lièpvre à l’endroit même où se trouve sous une pierre précise et précieuse la Truite fario qu’Olivier Cadiot n’a encore jamais réussi à attraper) qu’une nuit du tout début des années soixante-dix, sans même le savoir, alors que tous les enfants étaient dans la rue, Rachid Taha et Rodolphe Burger se croisèrent sans se reconnaître. Ils avaient peut-être treize, quatorze ans et venaient tous deux d’embrasser les lèvres humides et roses d’une jeune et jolie Sainte-Marienne qui était en fait le diable en personne.

Rachid et Rodolphe ne savaient pas encore que deux autres frères, les Everly Brothers avaient déjà embrassé Mary à la fin des années cinquante. Ni que Dylan en 1970 la kidnappa et la séduisit à son tour avant de découvrir qu’elle ne couchait qu’avec des Noirs. Dans l’attente donc que la rencontre entre Taha et Burger qui avait déjà eu lieu puisse se faire un jour, celui dont le nom saigne, James Blood Ulmer, vint à son tour à Sainte-Marie-aux-Mines retrouver Marie pendue aux bras de Rodolphe sous la forme d’une sitar. Comme Jules et Jim, Rod et Blood partagèrent la chanson. Mais le Blues n’est pas une Marie-couche-toi-là. Sitôt qu’ils l’aperçurent tous deux, le Serpent aux anneaux noirs et blancs disparu dans la nuit. À peine eurent-ils le temps de lire, inscrit en lettres d’or, tout le long de son corps, cette phrase de Winston Churchill, secret de sa longévité : No sport, ever (du transport, oui c’est ça !). Nicolas Comment

Tracklisting

1 Avance
2 Lover Dose
3 Elle est pas belle ma chérie ?
4 Rattlesnake
5 Vicky
6 Je tourne
7 Arabécédaire - Feat. Rachid Taha
8 Ensemble
9 J'erre
10 Marie - Feat. James Blood Ulmer
11 Blue skies
12 Ski-doo
13 Avec toi
14 Un nid ?
Album réalisé avec Doctor L.


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