Foin du statut de vache sacrée de Jean-Marc Jancovici, éternellement présenté comme l’expert « neutre» sur les questions de l’énergie.
Invité au journal télévisé de France 2 (je n’ai pas la télévision mais on m’a passé le lien Internet pour me dire « regarde, il y a négaWatt au 20h ! ce qui est effectivement un évènement), Jancovici est introduit ainsi par le présentateur David Pujadas: « ni un pro ni un anti-nucléaire« .
Diantre ! Nous verrons, si besoin est, qu’il n’en est rien. On ne sort pas de l’X, on est pas formé et formateur au corps des Mines sans séquelles… Le site arrêtsurimages revient d’ailleurs sur ce glissement intellectuel pas anodin : quand on est neutre sur le nucléaire… on est pas contre !
Comme Jancovici, je suis évidemment pour aller d’abord et surtout chercher des économies d’énergie. Tout le monde le dit car c’est le début de tout. 30% de gisements de négaWatts. Venons-en donc au point de désaccord: l’énergie résiduelle qu’il nous faut consommer. Et aussi cette sempiternelle et inexorable alternative entre nucléaire « décarboné» et vilaines usines à pétrole et charbon.
Comme Jancovici, je souhaite également que nos sociétés sortent de la dépendance au pétrole Et plus de gré que de force…
Dans une tribune publiée sur Good Planet à propos de Fukushima, on découvre tout de même que le cerveau de Janco (pour les intimes) sombre un peu dans le cartésianisme vulgaire et finit, pour le prestige de la démonstration, par mélanger choux et carottes. A trop vouloir sortir des chiffres, on oublie ce qu’il y a derrière. Pour Jancovici, un mort est un mort, il ne reste plus qu’à additionner, soustraire, calculer les moyennes et décréter au bout du calcul que ce qui est le moins mortifère est ce qui est bon.
Avant de m’adonner au bashing (exercice que je considère en principe peu constructif), je précise d’où je parle. Je suis diplômé d’une grande école en physique (ca c’est pour éviter les coups bas style « obscurantiste» ). En école d’ingénieur, tout le monde est pour le nucléaire. Mais au fur et à mesure de mes études, l’intérêt de cette industrie m’a paru de moins en moins évident.
En fait, j’ai réussi à dépasser le cadre purement technique pour aborder la question nucléaire sous d’autres angles, ce que ne font pas en général les ingénieurs (il faudrait consacrer un autre billet à ce qui est dispensé dans les écoles d’ingénieurs…). L’histoire du nucléaire, par exemple, est très éclairante sur la politique, la démocratie, et sur ce que le penseur Jacques Ellul appelle le système technicien.
En résumé, j’ai de sérieux doutes sur l’énergie nucléaire non pas pour des raisons techniques mais pour des raisons philosophiques.
Je fais partie de ces gens qui considèrent que la technique est un moyen et non une fin, qui doit être sous-tendue par une culture et une politique. Incroyable non ?
Petite plongée dans la tribune de Jancovici.
Le parallèle entre les deux catastrophe (sic) est faux, pour l’essentiel, selon Jean-Marc Jancovici. Si un ou plusieurs réacteurs de la centrale fond, ils n’exploseront pas, les dégâts seront beaucoup plus localisés, et le bilan humain sera bien moindre que celui du tsunami.
On ne pourrait pas comparer deux catastrophes sous prétexte qu’elles n’ont pas exactement les mêmes causes et a fortiori les mêmes conséquences. Et focalisez-vous plutôt sur le tsunami qui est le vrai problème et le plus mortel.
Conclusion: il vaut mieux une catastrophe de Fukushima qu’un tsunami…
Je dit (sic) « le réacteur» mais ca concerne tous ceux de Fukushima, qui ont tous eux à peu près le même pépin.
1 – Une remarque sur les sources : que les antinucléaires aient, comme d’habitude, un avis définitif sur la base d’informations partielles et sans aucun recul est leur droit. Mais ils n’ont aucune raison d’avoir des informations primaires meilleures que celles des experts, au contraire : vous voyez un opérateur de centrales nucléaires japonais ou l’autorité de sûreté japonaise privilégier les antinucléaires français dans ses explications techniques ?
Les anti-nucléaires apprécieront d’être considérés comme des dogmatiques qui rouspètent sans savoir, comme d’habitude (ils deviennent lassants à dire la même chose depuis 50 ans). J’aime beaucoup la délicatesse du « c’est leur droit» . Ils sont bornés, rabâcheurs et ignorants… mais c’est leur droit ! Jancovici est un grand démocrate.
Et c’est bien connu, les experts ont de meilleurs informations que les non-experts. Transmis à la CRIIRAD qui avait de moins bonnes mesures de radioactivité que les officielles…
2 – Certes des centrales nucléaires ont été touchées, mais cela est aussi vrai de centrales à charbon ou de barrages (et très accessoirement le Japon est privé partiellement de transports routiers par défaut de fonctionnement de raffineries, manque de distribution de carburant et effondrement des routes, tout cela va empêcher les malades et les blessés d’être acheminés vers les hôpitaux, ce qui prouve bien qu’il faut sortir du pétrole qui fait des morts que l’on vous cache.
On se demande vraiment pourquoi les médias ne parlent que des centrales nucléaires ! Il faudrait être équitable et évoquer tous ces dégâts ailleurs que sur les zones nucléaires. D’ailleurs, si le Japon était sorti du pétrole, il parviendrait à soigner ces blessés.
3 – A Fukushima, l’accident est arrivé par l’extérieur (et non par l’intérieur comme à Tchernobyl) alors que la réaction nucléaire avait été stoppée. Il ne s’agit pas d’un accident causé par un emballement de la réaction nucléaire (comme à Tchernobyl) mais d’un accident mécanique causé à une installation nucléaire mise à l’arrêt. Il n’y a donc aucun risque « d’explosion» comme je l’ai déjà entendu dans la bouche d’antinucléaires repris par les media. Le risque est celui d’une absence d’évacuation de la chaleur résiduelle qui se dégage du coeur à cause de la radioactivité des produits de fission qui y sont présents, et d’une fonte du coeur qui libèrerait dans l’environnement proche des produits de fission gazeux (même dans ce cas, ca ne sera pas de nature à causer des morts par centaines).
Leitmotiv: Fukushima et Tchernobyl ne sont pas exactement la même catastrophe. On aura tous les détails techniques pour en être convaincus. Il ne manquera qu’un argument qui aurait pu étayer la démonstration de Jancovici: Tchernobyl est en Ukraine alors que Fukushima est au Japon.
4 – Fukushima ne pourra pas déboucher sur un scénario de type Tchernobyl. A Tchernobyl, ce qui a causé la dissémination de matières radioactives est essentiellement l’incendie des 600 tonnes de graphite que contenait le coeur (ce graphite servait de modérateur aux neutrons), incendie qui a entraîné dans l’atmosphère l’essentiel des produits de fission contenus dans le coeur. Cet incendie a pu avoir lieu parce que l’explosion d’hydrogène a eu lieu à l’intérieur de l’enceinte de confinement et a rompu cette dernière, et exposé le graphite à l’oxygène de l’air. A Fukushima, l’explosion d’hydrogène a eu lieu en dehors de l’enceinte de confinement du coeur. A l’instant où je tape ce message les matières radioactives sont donc toujours confinées dans la cuve, exception faite des lâchers de vapeur décrits dans la chronologie rappelée en pied de message.
Leitmotiv : Fukushima n’est pas Tchernobyl ! Compris ?
5 – Il n’y a rien de chimiquement combustible dans le coeur à Fukushima. Si le coeur fond (cette fonte sera causée par le dégagement de chaleur engendré par la radioactivité des produits de fission), soit il reste sur place dans la cuve qui résiste (et alors les conséquences sanitaires pour les populations sont à peu près nulles), soit il perce la cuve et à ce moment des produits de fission gazeux s’échappent (xenon, krypton, iode). En pareil cas la partie solide et les produits solubles (dont l’iode) fait une grosse bouillie pas sympathique mais qui reste sur place. Fukushima ne peut pas « exploser» au sens d’une explosion nucléaire comme à Hiroshima.
Leitmotiv par transitivité : Fukushima n’est pas Hiroshima car Hiroshima était une explosion. Comme à Tchernobyl. OK ?
6 – 25 ans après l’accident, les conséquences sanitaires documentées à Tchernobyl (par des médecins !) sont environ 50 morts par irradiation au sein des pompiers (je n’ai plus le chiffre exact en tête, mais c’est de cet ordre), environ 4000 cancers de la thyroïde chez les enfants au moment de l’accident (les risques semblent devenir infimes après 12 ans) qui feront de quelques dizaines à quelques centaines de morts selon la qualité des soins, et enfin le stress au sein de la population déplacée, aux conséquences mal évaluées. Mais il n’y a pas eu les 25.000 morts que je revois commencer à circuler partout ; ce chiffre correspond à un calcul bien particulier avec des hypothèses utilisées pour la radioprotection et qui n’ont pas pour objet de dénombrer des morts survenus « pour de vrai» (pour les explications techniques il me faut 3 pages, mais si d’aucun(e)s d’entre vous sont intéressés je peux voir ce que je peux faire…). Il n’y a pas plus eu de surplus de malformations, même si d’aucuns savants documentaires ont laissé croire le contraire.
Leitmotiv : Fukushima n’est pas Tchernobyl ! Vous le faîtes exprès ?
Et puis à Tchernobyl, il n’y a pas eu tant de morts comme ces idiots d’anti-nucléaires le colportent. Par contre, on ne doute pas que s’il y avait eu véritablement 25 000 morts, Jancovici aurait reconnu que les conséquences sanitaires furent graves à Tchernobyl. Pour un cerveau technicien comme le sien: 1 000 morts ca va. 25 000 morts ca va pas. Qu’on nous démontre pourquoi.
7 – De ce fait, il est difficile d’imaginer que l’accident de Fukushima, qui conduira à un relâchement de radioactivité dans l’environnement bien inférieur à celui de Tchernobyl même si le coeur fond et que le confinement est rompu (car à part les produits gazeux, notamment l’iode, l’essentiel de la radioactivité restera sur place) puisse changer significativement l’addition mortifère du tsunami. Parler de « 3è catastrophe possible» après le tremblement de terre et le tsunami est donc comparer des choux et des carottes.
Leitmotiv : Fukushima n’est pas Tchernobyl ! Toujours pas compris ? Et puis franchement. Franchement. Le seime c’est une catastrophe. Le tsunami, c’est une catastrophe. Mais des explosions dans des réacteurs nucléaires et des fuites radioactives, ce n’est pas catastrophique
C’est la nature qui fait des catastrophes. Pas les industriels, voyons.
8 – L’IRSN indique avoir ponctuellement mesuré des débits de dose (externes) de 1 mSv/heure à l’extérieur immédiat du bâtiment réacteur 1, décroissant en quelques heures à moins de 0,05 mSv/h. Il faut savoir que quand on passe une radio médicale on reçoit en quelques secondes ou minutes entre 5 et 80 mSv d’irradiation externe. 1mSv/heure, sur quelques heures, c’est donc quelque chose qui ne fera pas des morts par millions…
Bon, les chiffres ont changé depuis l’article de Jancovici. Ce n’est plus 1mSv/heure mais 1500 msV/heure. On continue à comparer avec la radio du dentiste ?
9 – Si le confinement du coeur est rompu, c’est l’iode radioactif qui est la préoccupation principale. La demi-vie des isotopes va de quelques heures à quelques jours. La bonne réponse des autorités est ce qui a été fait : l’évacuation (qui n’a pas besoin de durer des années comme à Tchernobyl, et qui est une application normale du principe de précaution, ca serait quand même farce que ce principe disparaisse parce qu’il s’agit de nucléaire !) et l’administration d’iode « normale» . Cette dernière va aller saturer la thyroïde, qui du coup n’aura plus envie de fixer de l’iode radioactif (car le danger est d’avoir cette iode fixée pour longtemps dans la thyroïde, si l’iode rentre et ressort du corps ca ne provoque pas de conséquences sanitaires particulières).
Pour l’iode, prenez la pastille verte. Pour le reste pas besoin de pastille. Et tout ira bien.
10 – le risque en France de conséquences de cette affaire est rigoureusement nul !!!
Saluons la grâce de ces scolaires trois points d’exclamation qui veulent bien dire ce qu’ils veulent dire. Imbéciles de Français, c’est vous qui êtes nuls. Cessez de gémir.
Toute bonne démonstration se fait en 10 points.
Mais après ce décalogue, le scribe a crû bon d’ajouter quelques appendices aux modernes Tables de la Loi.
Et le mieux est à venir. Voici rassemblés tous les poncifs, sortis du chapeau magique des pro-nucléaires. Attention les yeux ! C’est scientifique. Le monsieur qui nous invitait à ne pas mélanger choux et carottes va devant vos yeux ébahis montrer que tout, absolument tout, fait plus de morts que le nucléaire !
Et voici quelques autres chiffres pour remettre tout cela en perspective :
- le charbon fait un peu moins de 10.000 morts par an rien que dans les mines, et ceux là ils portent tous un nom, à la différence des morts supposés de la pollution ou des radiations qui sont calculés dans le cadre d’études épidémiologiques et qui sont donc anonymes (donc depuis Tchernobyl le charbon a fait environ 200.000 morts, l’équivalent du tsunami en Indonésie d’il y a 10 ans, pour une production électrique à peu près 3 fois supérieure à celle du nucléaire, qui, à ma connaissance, n’a pas fait 60.000 morts…)
- la voiture fait quelques centaines de milliers de morts par an dans le monde
- le tabac n’importe quoi (sic) entre 500.000 et 5 millions de morts par an,
Jancovici qui a passé son temps à dire que l’on ne peut comparer Fukushima et Tchernobyl, n’hésite pas à comparer maintenant les morts du tabac et de la voiture avec ceux du nucléaire. Cherchez la logique. Je vous propose donc un début d’argumentaire à la manière Jancovici:
3 – A VoitureLand, l’accident est arrivé par l’extérieur (et non par l’intérieur comme à NucléaireLand) alors que etc…
4 – NucléaireLand ne pourra pas déboucher sur un scénario de type TabacLand. A TabacLand, ce qui a causé la dissémination etc…
- pour le moment, les réacteurs japonais c’est quasi zéro [morts], et même dans le scénario du pire ca ne changera pas grand chose au bilan du séisme.
Ca devient lassant cette comparaison nombre de morts liés au séisme versus liés à la centrale nucléaire. Encore une fois, comment peut-on comparer puisque les morts liés à la catastrophe naturelle sont directs et immédiats alors que dans le cas de la radioactivité, cela est indirect (voire improuvable parfois !) et espacé dans le temps.
- le séisme a aussi détruit des centrales à charbon et au moins un barrage, donc la question est de savoir si on peut prévenir les dommages aux populations en cas d’accident industriel, pas de savoir si l’outil industriel doit pouvoir résister à tout, puisque cette suggestion ne semble venir à l’esprit de personne en ce qui concerne les raffineries, les routes, les aéroports et les barrages !
Mais pourquoi à la fin veut-on des centrales nucléaires plus sûres que des aéroports ?
- au risque d’en choquer certains, je ne vois pas en quoi il serait plus abominable de mourir irradié que noyé si un tsunami jette à bas logements et infrastructures, et endommage des centrales nucléaires.
Imparable !
Mourir dans une éruption volcanique n’est pas pire que mourir sur un bûcher préparé par les autorités compétentes.
Très accessoirement nous sommes à un stade de notre histoire sur les combustibles fossiles où les japonais (sic) auront le choix entre reconstruire du nucléaire et construire du gaz ou du charbon (oubliez les éoliennes pour tout remplacer, ca ne tient pas une seconde). Que doivent-ils choisir ?
Mon petit doigt me dit que pour Jancovici la réponse est toute trouvée !
Le lien de cette tribune accordée sur Good Planet dont le fondateur Yann Arthus-Bertrand assume tout à fait la sortie du pétrole, en témoigne son soutien au Qatar.
Et avec un logo BNP Paribas, banque la plus radio-active, en bonus.