À ne regarder que le visage poupin d’Olivier Besancenot on ne se douterait pas du drame que vivent les salariés de La Poste. C’est d’ailleurs ce drame qui a provoqué chez lui cette révolte contre un système d’exploitation et d’aliénation du travailleur. Toujours est-il que l’on a eu droit ces derniers jours à une vaste campagne, relayée par les médias (15 minutes sur TF1) pour nous persuader que la pénibilité du travail était particulièrement dramatique pour les postiers. Là-dessus le suicide d’un caissier à La Poste de Vitrolles a déclenché une grève des postiers des Bouches du Rhône, de sorte que Marseille est devenu un haut lieu de la pénibilité, avec les grèves des marins de la SNCM, et bien entendu des grutiers du port.
(Illustration René Le Honzec)
On n’est qu’à moitié rassuré de voir les mesures prises par La Poste : il s’agit de s’attacher les services d’un millier de personnes, psychologues et « travailleurs sociaux », capables d’étudier l’origine de cette pénibilité et, si possible, de rassurer le personnel.
Les syndicats, c’est leur rôle, mettent en avant les plans de réduction des effectifs : chacun a réellement peur de perdre son emploi, et ce climat délétère et angoissant peut conduire à la maladie, voire à la mort. On réplique le scénario de France Télécom.
En réalité, toutes les études sur le monde du travail conduisent à un même constat : les conditions physiques de l’exécution des tâches ont été révolutionnées en un demi siècle, et le travail est objectivement moins pénible. Dans l’industrie, la robotisation (nettement plus développée en Allemagne qu’en France) a transformé un manœuvre en technicien, une haute qualification a été requise. Dans l’agriculture il suffit de comparer les tracteurs et machines actuels à ceux des années ’50. Et l’ordinateur a remplacé efficacement la plume sergent-major dans les bureaux…
En fait, le travail est peut-être objectivement moins pénible, mais psychologiquement plus pénible, si les personnes qui l’exécutent ne mettent pas de cœur à l’ouvrage, et préfèrent le loisir et le repos à l’effort soutenu. Il est curieux de constater que ce désintérêt, source de pénibilité psychologique, est plus prononcé dans le secteur public que dans le secteur privé. Pourtant le privé est soumis à la concurrence « impitoyable », alors que les fonctionnaires et assimilés remplissent une noble mission de « service public » : quoi de plus exaltant ?
Il existe aussi une autre explication : le travail est juridiquement pénible, parce que la réforme des retraites a bien prévu des amodiations pour les métiers pénibles. La pénibilité est donc une excellente manière de contourner le droit commun des retraites. Les syndicats l’ont compris. Le métier de syndicaliste est lui aussi d’une grande pénibilité.