Il fait beau, un peu brumeux peut-être, mais très doux. Enfin, l’hiver interminable se termine. Le climat se réchauffe-t-il ? En tout cas pas chez nous, où il faisait 15° en mai et où la neige est tombée en abondance dès le 15 décembre ! La promenade commence par les quais avec – est-ce un signe d’époque ? – à la Monnaie une grande affiche de ‘Peur sur la ville’ ! Elle se tient jusqu’au 17 avril et rassemble des archives de Paris Match, bien réelles, ‘Guerre ici’ du reporter-photographe Patrick Chauvel et ‘Paris Street View’ de Michael Wolf (vidéo ici). Il ne s’agit pas du Japon, ni du nucléaire, ni de feu la crise financière, mais des photomontages qui montrent Paris envahi par les batailles. Prémonitoire ?
Pourtant, Paris aime l’amour. La péniche ‘i-grec deux o’ reste à quai, immuable depuis des décennies. On dit que c’était un bordel pour Académiciens, la vénérable Institution étant juste en face. Faut-il le croire ? Aucun va et vient (extérieur) constaté en tout cas.
L’amour à Paris est surtout étranger ou provincial. Des centaines de cadenas de toutes sortes sont verrouillés sur les grillages de la passerelle des Arts. Ils disent la liaison « à vie » de deux êtres qui divorceront probablement dans quelques années. Mais on est au spectacle : dans la société médiatique, l’instant seul est revendiqué et c’est aujourd’hui le lien qui compte. Faire pareil que tout le monde aussi : la mode est venue du Japon, dit-on.
Paris est-il toujours Paris ? Les faux-culs officiels continuent de voiler la statue de Voltaire, sur les frontons du Louvre. Je suis scandalisé : est-ce l’islamisme excité qui fait la loi chez nous ? Voltaire était contre les « infâmes », contre tous les intégrismes. A son époque, la toute-puissante inquisition catholique régentait la morale, les opinions et les arts. Voltaire a écrit une pièce intitulée ‘Le fanatisme ou Mahomet’ où il dénonce l’intégrisme de la foi, d’où qu’elle vienne. Mahomet est meilleur que son titre puisque Voltaire déclare : « Sa religion est sage, sévère, chaste, et humaine ». Sa pièce visait surtout les Jacobins catholiques qui avaient armé le poignard régicide de Jacques Clément. Est-ce pour cela qu’on voile encore Voltaire ? Pour nullité culturelle ? Ou par peur de déplaire en faisant le lit de la dame Le Pen ? Le maire de Paris n’est pas réputé pour son audace, mais les ministres non plus. C’est « ça » la patrie des intellos-médiatique et des Droits de l’Homme ? Ils se « mobilisent » pour l’autre côté de la planète mais restent peureusement muets chez eux ?
Je préfère la femme nue du jardin des Tuileries. Elle s’exhibe hardiment devant un régiment de voilées qui passe, venues d’un pays plus ou moins proche de l’Orient. Elles papotent à n’en plus finir ces adolescentes, sans regarder la nudité. Comme quoi on se fait des idées.
Les malheurs du temps retrouvent symbole avec le garçon blessé soutenu par un proche – ou Enée portant Anchise (toutes les statues ont été changées !). Le groupe borde le bassin où des kids s’amusent à lancer des bateaux.
Les voiles se gonflent au vent assez vif qui souffle le chaud plutôt que le froid. Pas de risque de tsunami dans ce bassin !
Place Saint-Sulpice, de l’autre côté de la Seine, d’autres kids skatent à qui mieux mieux. Courts vêtus et en bande, ils jouent pour oublier tout le reste. Le soleil les caresse tandis que les statues des quatre point cardinaux les surveillent depuis la fontaine commencée en 1844 sur les plans de Visconti. Pas de ‘s’ à point, s’il vous-plaît ! Ces cardinaux là n’en sont justement point – ils sont resté évêques : Bossuet, Fénelon, Massillon et Fléchier.
Le printemps ouvre les chemises. L’adolescent qui joue au ballon avec ses copains sur le parvis de l’Institut d’art en a chaud. Il pense à son émoi, tout entier centré sur les sensations, jouant avec la boule de cuir qui pend à ses pieds. Un autre un peu plus loin sort de son lycée dans le même état : est-ce la nouvelle mode du décolleté BHL ?
Sur un trottoir, mais sans le faire, une paire de fesses accuse la féminité. Ach ! Paris sera toujours Paris !
Il n’est jamais plus beau qu’au printemps, quand les indigènes sortent à nouveau pour arpenter leur ville.