Antoine de Caunes, cet "aristocrate" du rock est la preuve pour moi qu'on peut écouter la même musique sans pour autant écouter les mêmes disques. Comme le titre même de son livre l'indique, il est passionné de rock. Il est tombé dedans quand il était tout petit, peu de temps après les premiers balbutiements du genre, avec, comme beaucoup de gens de sa génération, les Beatles et les Rolling Stones. Il est le plus connu (avec Manoeuvre) de la brochette de journalistes qui ont alors débarqué dans le paysage audiovisuel, venant nous révéler la bonne nouvelle et la voie (musicale) à suivre avec des émissions comme Chorus, les Enfants du Rock ou Rapido. Des défricheurs - même si pour de Caunes, sa généalogie télévisuelle l'a beaucoup aidé à percer dans le milieu - qui, depuis, se sont embourgeoisés, campant toujours sur leurs positions et surtout, dont les goûts semblent être restés au mieux scotchés à la fin des années soixante-dix ans et à l'arrivée du punk. Le seul de la bande à être toujours à l'écoute de l'actualité musicale demeure ce cher Bernard Lenoir, qui continue, bon an mal an à faire partager ses récents coups de coeurs aux auditeurs de France Inter. Toujours est-il qu'il serait indécent de nier l'évident talent d'écriture de de Caunes. La lecture de certaines entrées de ce dictionnaire s'avèrent même être de petits plaisirs assez jouissifs (surtout quand on est en phase) comme celle sur U2, par exemple : "U2 me pète les burnes à un point qui dépasse l'entendement. Je dirais, pour illustrer, qu'il m'est physiquement impossible d'écouter un seul morceau sans qu'un engourdissement proche de la catalepsie s'empare de moi. [...] L'incarnation d'un rock à (bonne) conscience en font des prototypes parfaits de têtes à claques. Qu'on hésite de surcroît à gifler, vu que, en bons chrétiens, ils seraient capables de tendre aussitôt l'autre joue, ces cons." Pour le reste, le monsieur est surtout amateur de blues (Stevie Ray Vaughan), country (Lyle Lovett) ou de rock calibré (Bruce Springsteen qu'il idolâtre par dessus tout). Bref, que des trucs de vieux ("cons", en référence à un autre article :) et pas beaucoup de points communs avec mes indispensables. Et je me dis qu'il aurait aisément pu tenir un blog s'intitulant "La musique à papy" (même si mon père à moi n'est malheureusement pas fan du Clash :), question de génération. Et c'est finalement assez rassurant de ne pas écouter les mêmes disques que ses parents, non ?
PS : De Caunes est actuellement au Théâtre du Rond-Point, à Paris pour des lectures de son pote (et nègre?) Laurent Chalumeau, où il est notamment question de leur amour commun pour le rock.
Elvis Costello "Pump It Up"
Elvis Costello, avec son pseudo blasphématoire - Elvis, le vrai, était à peine refroidi -, sa tête de nerd, ses pantalons trop courts, ses pompes pointues et sa cravate ficelle, ne payait pas de mine quand il déboula comme un pur-sang énervé, prêt à saillir la terre entière, sur la scène rock de 77.
Dr Feelgood "Roxette"
Si, il y a une chose dont je suis fier, c'est d'avoir démarré ma carrière de producteur télévision en invitant Dr Feelgood à ouvrir le feu.
John Hiatt "Have A Little Faith In Me"
L'absence de stratégie devient parfois une stratégie en soi. Ou une absence tout court quand elle se solde par un insuccès largement immérité. Et malheureusement, des John Hiatt, il y aurait de quoi en remplir des dictionnaires. On pourrait appeler ça "Le Dictionnaire amoureux de la louze". Succès assuré ?
Garland Jeffreys "Hail Hail Rock'n'Roll"
Tout le monde aimait Garland, les artistes, le public de ses concerts qu'il se mettait dans la poche le temps des deux premières chansons, les journalistes, ma mère, les Hell's Angels de Crimée. Il émanait de lui une telle force vitale, un tel amour de la musique, un tel humour que personne ne résistait à son charme.
Nick Lowe "Cruel To Be Kind"
En écoutant "At My Age", le dernier en date des albums de Nick Lowe, en savourant à leur juste valeur la brillance des compositions, l'humour à froid des textes et la simplicité épurée des arrangements et de la production, je me dis que décidément, j'avais ce type-là dans la peau, et que, quand bien même il était mon aîné, j'aimerais, arrivé à cet âge-là, être capable d'un tel accomplissement.
Graham Parker "Local Girls"
Cet article de notre dictionnaire ne changera bien entendu strictement rien au karma contrarié de l'interessé. Puisse-t-il seulement inciter quelques oreilles vierges à se tendre vers lui, ou vers son ami Tex, qu'il aurait rempli sa mission.
The Shaggs "My Pal Foot Foot"
Zappa, qui s'y connaissait, les trouvait "plus intéressantes que les Beatles", tandis que le New York Times titrait cet oxymore définitif : "Le meilleur plus mauvais groupe du monde."
Squeeze "Another Nail In My Heart"
Quelques chansons réussirent à se nicher provisoirement en tête de peloton, on chanta leurs louanges dans la presse, et tout le monde s'accorda à admettre que le couple Tilbrook/Difford n'était pas sans évoquer celui formé par Lennon et McCartney. Richesse et inventivité mélodique, acidité du point de vue, décalage du commentaire sur la société anglaise, ses us et coutumes, l'humour, etc.