En Égypte, après la chute du régime d'Hosni Moubarak, est-il possible que la vie des gays et lesbiennes changent?
Dans ce pays où la grande majorité de la population n'est que peu éduquée et où l'Islam a de plus en plus d'influence, le vent de liberté semble bien loin de faire changer les mentalités sur l'homosexualité.
Les gays et lesbiennes égyptiens voulait imaginer un vrai changement d'abord dans une volonté législative. Cet espoir semble bien lointain.
Karim, un gay de 29 ans, milite sur Internet et a participé aux manifestations de la place Tahrir au Caire, mais en gardant son homosexualité secrète.
Il déclare avec peu d'espoir "Je ne crois pas que la situation des gays s'améliore après la révolution. Même si en Égypte il n'y a pas les mouvements radicaux d'Arabie Saoudite par exemple, il s'agit d'une culture ancestrale, très traditionnelle et conservatrice. L'homosexualité est encore souvent associée à la pédophilie ou à un comportement sexuel bestial".
Il dit aussi que même dans les milieux intellectuels, le sujet reste tabou.
Karim considère ses collègues de travail comme "des intellectuels" avec qui la discussion est libre, "On peut parler sans problème de politique, de religion, de liberté de conscience. Mais prononcer le mot "homosexuel" reste impossible".
Il garde aussi le souvenir de la première fois qu'il a parlé de son homosexualité, face à un psychologue, "Quand j'ai évoqué cette question, il m'a répondu que je devais me convaincre d'être hétérosexuel. Le traitement qu'il me proposait était de commencer de me brûler avec un briquet dès qu'une pensée homosexuelle me traversait l'esprit. Bien sûr, je ne l'ai pas fait!"
Dans son combat de militant sur Internet, Karim multiplie les mesures de prudence comme des changement réguliers de pseudo, un anonymat total, etc...
Les gays et les lesbiennes égyptiens se souviennent de la vague de répression de 2000 où les autorités s'étaient servis d'Internet pour les trouver et les arrêter.
Mais le 11 mai 2001, lors de l'affaire du "Queen Boat" le régime fait arrêter et mettre en prison 52 hommes censés se trouver à bord de ce bateau-discothèque connu comme lieu de rencontre homosexuel.
Les gays sont jugés lors de deux simulacres de procès où sont bafoués les droits de l'Homme.
Des poursuites à l'égard des membres de la communauté homosexuelle se poursuivront jusqu'en 2004.
Les protestations internationales sont nombreuses, mais en Égypte, on approuve cette répression.
Hossam Baghat a été exclu de l'organisation égyptienne des droits de l'Homme pour avoir protesté contre ces procès.
Il a expliqué que "L'assaut du 11 mai s'inscrit dans l'effort du régime pour se présenter comme le gardien de la vertu publique pour contrer le mouvement islamiste des Frères Musulmans. Mais au lieu de jouer un rôle d'avant-garde, la plupart des organisations de défense des droits de l'Homme égyptiennes ont choisi de suivre le courant pour ne pas être critiquée dans les médias. Plus encore, beaucoup d'activistes des droits de l'Homme ont spontanément exprimé des opinions homophobes dans la presse. Interrogé au sujet des droits des homosexuels, le dirigeant d'une association légale de charité a parlé de la "ligne rouge" que les groupes de défense des droits de l'Homme ne peuvent franchir dans leur lutte pour les libertés civiles".
Les campagnes de répression systématique ont cessé, mais la lutte pour la défense des droits homosexuels n'existe pas.
Karim déclare "Pour l'instant, on est très loin d'un mouvement revendicatif. La communauté gay n'existe d'ailleurs pas vraiment. Pour beaucoup, l'homosexualité se limite à quelques relations secrètes en marge d'une vie d'homme marié. Ils ne sont pas prêts à défendre une identité. Et encore moins leurs droits. Si, par chance, notre pays s'engage vers la démocratie, j'ai parfois l'impression qu'on ne pourra pas aborder des sujets comme les discriminations à l'égard des homosexuels avant 50 ans!"
En Tunisie, après le départ de Ben Ali, la communauté gay s'est manifestée au grand jour en appelant notamment à l'organisation d'une première marche des fiertés à Tunis en juin 2011.
Les organisateurs ont reçu des menaces et l'événement a été suspendu...pour l'instant.
Après les mouvements démocratiques dans les pays arabes, un long travail est encore a mené pour que changent les lois et les mentalités pour le respect de la différence.
Seigneur, soutiens l'espoir.